Dossier Les voyages apprenants

Une plongée au coeur de la fraternité – Voyage apprenant à Créteil 2019

Qu’est-ce donc qu’un « voyage apprenant », ce drôle de concept que les Semaines sociales de France proposent à ceux qui s’intéressent aux thèmes que l’association et ses Antennes travaillent année après année ? Il y eut Bruxelles, Berlin et Cracovie, pour mieux comprendre l’Europe ; Bruxelles encore, avant les élections. Et, du 3 au 5 avril dernier, une plongée au cœur du diocèse de Créteil, à la rencontre de tous ceux, « engagés pour la fraternité », qui se mettent au service des plus fragiles, des plus pauvres. L’invitation se voulait un prolongement de la réflexion sur le christianisme social menée à Nogent-sur-Marne en novembre dernier et un prologue pour la rencontre nationale 2019, qui se tiendra à Lille, sur les fractures sociales qui déchirent notre pays.

En groupe restreint (une vingtaine personnes), il s’agit d’entrer plus profondément dans les réalités sociales d’un pays, d’un quartier, en écoutant ceux qui y vivent au quotidien et en dialoguant avec eux. Une sorte de reportage de terrain, où s’enchaînent les découvertes, les émotions aussi, car, au-delà des informations factuelles permettant de mesure la diversité du département du Val de Marne, ses richesses et ses points de faiblesses, les « apprenants » ont rencontré des personnes.

Comment mieux en rendre compte qu’en évoquant quelques-uns de ces visages qui ont éclairé ce déplacement (au sens propre comme au figuré, nous avons été déplacés par ces rencontres) ? Ce « diaporama personnel » est forcément subjectif, impressionniste, partiel ; d’autres participants auraient opéré une sélection différente.

Il y eut d’abord ce lycéen, présenté en vidéo par le P. Thuault de Sant Egidio, à Charenton. En équipe, ils vont visiter les « habitants du bois », les SDF du bois de Vincennes, et ce jeune veut convaincre ses copains de participer à ces maraudes qui lui apportent tant. Autre réalité, celle des réfugiés : avec les personnes en charge de l’accueil des demandeurs d’asile, en mission pour le diocèse, un officier de protection de l’OFPRA (office français de protection des réfugiés et apatrides) a témoigné, avec beaucoup d’humanité, de son travail.

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« A Fresnes, Véronique, aumônier de prison, a parlé des femmes qu’elle visite, des attentes interminables avant de voir les détenues. »

Beaucoup viennent de Guyane ; elles sont là pour avoir transporté de la drogue, pour le profit de trafiquants, au péril de leur vie et de leur liberté. Véronique limite volontairement ses temps de présence dans la prison, tant les rencontres avec ces femmes, qui lui racontent tout de leur malheur mais aussi de leurs crimes, sont éprouvantes ; elle peut aussi passer du temps à jouer aux Milles Bornes avec une jeune femme qui a du mal à s’exprimer.

Comment ne pas se souvenir de Kader, le jeune animateur du centre social de Bois-l’Abbé à Chennevières-sur-Marne ? Il accueille tous ceux qui se présentent avec la même douceur, la même compétence … et un thé à la menthe. Kader avec Françoise, engagée multicartes de la paroisse voisine, essaient de rendre le jardinet, autour du Centre, un peu plus attirant. Et Betty, l’énergique Betty, pleine d’autorité bienveillante, aime son quartier et ne le quitterait pour rien au monde : avec son association, elle accueille les jeunes exclus temporairement du collège et du lycée pour les remettre dans le droit chemin. Et ça marche ! Le P. Bruno Cadart, curé de la paroisse Saint Jean XXIII, tient à cet ancrage dans le quartier ; il a ainsi accepté la proposition de jeunes de s’occuper des plus petits pendant les vacances scolaires. Tout n’était peut-être pas bordé administrativement, mais comment dire non à l’enthousiasme de grands jeunes ?

A Rungis, Jean-Baptiste et Alain sont capables de soulever des montagnes pour créer des lieux où accueillir des personnes porteuses de handicap. Avec eux, Louis le bavard et Sabrina la discrète, sur leur fauteuil, témoignent de leur joie d’être ainsi plus autonomes, d’avoir leur intimité.

La misère, on le sait, ne prend pas de vacances et n’est pas plus douce sous le soleil. Marie-Thérèse, Jacques, Bernard et Raffaello ont raconté avec passion l’aventure d’ASA ( Août secours alimentaire), qui propose l’été, avec l’appui de la communauté musulmane, des repas aux personnes démunies, dans deux paroisses, à Créteil et à Villejuif, quand toutes les autres associations interrompent leur action.

Sans oublier les trois élus, de diverses municipalités du département et d’appartenance politique différente, qui, au nom de leur foi, vivent leur engagement comme un service. Capables de dialoguer et de partager en confiance leurs expériences quand ils sont invités par l’évêque au Relais des élus, ils ont parlé librement et sans fard devant les « voyageurs apprenants ».

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Ce fut un voyage revigorant, même si, en creux, il dessinait toutes les fragilités et les fractures de notre société.

Mais il a révélé, par le témoignage des personnes rencontrées mais aussi par celui des personnes participant au voyage, le visage accueillant d’une Eglise catholique fraternelle, multiculturelle, proche des réalités de terrain, en dialogue actif avec les autres croyants et prête à travailler avec d’autres pour que le monde marche mieux.

A ne pas oublier dans les temps de crise traversés !

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Dominique Quinio, présidente des SSF

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