La semaine dernière, le site Disclose publiait une enquête[1] au sujet de la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Le site révélait l’existence d’une société créée par son père, ayant pour associés les enfants de la ministre (mineurs à l’ouverture) détenant plus d’un million d’euros dans des paradis fiscaux et liée au groupe pétrolier Perenco. Disons-le d’emblée, rien d’illégal à cela, Agnès Pannier-Runacher n’était même pas tenue officiellement de déclarer l’existence de cette société à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique puisque cela ne concerne pas personnellement la ministre, d’une certaine manière.
Pourtant, la nouvelle fait mouche. S’il n’y a rien d’illégal, cet énième événement de la vie politique française vient toujours davantage creuser le fossé entre une élite et le reste des Français. L’association Anticor a d’ailleurs elle aussi soulevé les contradictions contenues dans cette information, au-delà de la question du droit[2]. Car oui, tout est parfaitement monté, rôdé pour l’optimisation, pour limiter les droits de succession, comme savent si bien le faire aujourd’hui les plus aisés. Les arguments sont bien rôdés et la ministre n’a aucun lien avec la massive société pétrolière Perenco. Du point de vue du droit, il n’y a rien à reprocher. Il y a juste une profonde lassitude que nous ne parvenons pas à chasser. Et cette difficulté à croire qu’un tel contexte soit favorable à la sortie urgente des énergies fossiles dans laquelle nous devrions être résolument engagés.
Tout juste revenus de la Rencontre des SSF sur la fraternité, nous avons réfléchi longuement aux conditions qui rendront possibles cette fraternité au sein d’une société fracturée, qui semble ne plus parvenir à s’entendre et ni à faire corps. Mais quoi d’étonnant lorsque ceux qui gouvernent paraissent si loin des préoccupations des Français normaux, basiques.
Mathilde Szuba, enseignante à Sciences Po et membre de l’Institut Momentum[3], soulignait dans sa conférence l’importance capitale de faire preuve de cohérence lorsque des efforts sont demandés à une population. Cela est à la fois une mesure évidente de justice sociale mais c’est aussi faire preuve de pragmatisme (si le premier argument ne suffit pas) : comment les plus pauvres consentiraient-ils à faire des efforts s’ils ont le sentiment (justifié) de devoir faire davantage que les plus riches ?
Dans le contexte de la transition écologique (et donc particulièrement énergétique), les efforts doivent être massifs et on peut encore espérer qu’ils se fassent collectivement dans un pays démocratique soucieux du bien commun.
Il serait insupportable de réclamer des saints, même si les chrétiens savent que c’est ce qu’il s’agit de viser. Mais la cohérence ne peut pas être un détail. Dans la période d’urgence que nous connaissons, revoir nos modes de vie est une nécessité vitale, et il va falloir pour cela abandonner un certain nombre de comportements de privilégiés. Sans y être entraîné justement par les plus privilégiés, le mouvement n’engendrera que rancœur et défiance. Sans parvenir à rétablir cette confiance avec les citoyens, il ne faudra pas non plus faire mine d’être catastrophés des taux d’abstention électorale records qui ne risquent pas de se résorber.
La COP27 s’achève cette fin de semaine et, là aussi, on sent cet air de ne plus y croire. Les gouvernants et décideurs sont-ils capables de décisions courageuses qui nous concernent tous, et eux aussi ?
Marie Leduc, des Semaines sociales de France
[3] Institut qui réfléchit aux problématiques relatives à l’Anthropocène, aux politiques de décroissance, au risque d’effondrement et à la collapsologie : www.institutmomentum.org