Terrorisme ou démence ?

Vendredi 3 janvier, en début d’après-midi, un homme qui venait d’attaquer plusieurs personnes, faisant un mort et deux blessés, a été tué par des policiers de la brigade anticriminalité du Kremlin Bicêtre. Même si l’homme portait une djellaba et a crié à plusieurs reprises aux dires de témoins, « Allah Akbar », même s’il possédait un Coran et d’autres« documents religieux » et même s’il avait rédigé une « lettre que l’on peut considérer comme une lettre de départ testamentaire », le parquet n’avait pas, dans un premier temps, retenu la piste terroriste. L’homme n’était pas connu des services de police spécialisés mais bien plutôt des services de psychiatrie. Hospitalisé dès l’age de cinq ans, il suivait un traitement psychiatrique – qu’il avait interrompu – et avait été interné quelques mois plus tôt.

Cet attentat rappelle, sur plusieurs points, celui qui s’est déroulé à La Défense quelques jours auparavant, le 13 décembre 2019. Ce jour-là c’est un homme « en voie de clochardisation », échappé de l’hôpital psychiatrique et recherché, condamné pour agression sexuelle avec arme, qui a été tué parce qu’il menaçait la police avec une scie à plâtre rouillée en déclarant : « Je suis un terroriste ».

Comment faire le partage entre ce qui relève de la psychiatrie et ce qui relève du terrorisme ? Ou plutôt faut-il faire ce partage ?

A l’évidence l’un alimente l’autre quelle que soit par ailleurs la responsabilité pénale de celui qui passe à l’acte. Encore faudrait-il que les assaillants arrivent jusqu’à la prison. En « choisissant » la plupart du temps de tuer, les forces de l’ordre diminuent certes les risques mais interdisent tout procès et risquent d’alimenter la victimisation des assaillants.

« Mais élargissons le regard : quelques heures auparavant c’est Donald Trump qui passe à l’acte et assassine froidement à distance le général iranien Ghasseim Soleimani. »

La quasi simultanéité des deux actes criminels force la comparaison et incite à la réflexion. L’assassinat de Trump, en violation de toutes les règles et conventions, serait-il moins grave moralement que celui de l’homme à la djellaba de Villejuif ? Il est en tous les cas bien plus lourd de conséquences politiques et militaires. Il a aussi, à coup sûr, un effet direct sur les fomenteurs d’attentats en tous genres, qu’ils soient « djihadistes » ou non. La témérité et l’impunité du président des Etats-Unis ne peuvent en effet qu’alimenter l’idée qu’il y a deux poids deux mesures – en fait deux morales – selon que l’on est, ou pas, du bon côté de la richesse et de la force. Le sentiment d’exclusion, ressenti par beaucoup, risque, de plus en plus, de nourrir le ressentiment et de porter les plus fragiles à la vengeance contre un ordre social ressenti comme injuste, violent et absurde.

« un impératif éthique et politique de première urgence »

Continuer d’appeler assassinat l’ « élimination » ordonnée par Donald Trump – comme le faisait la presse aux premières heures – est un impératif éthique et politique de première urgence. Dénoncer ce genre d’acte irresponsable en est un second.

En ce sens, les appels au calme ou les désapprobations de la communauté internationale – notamment des européens – manquaient singulièrement de vigueur. Ce qui n’est pas un signe de bonne santé.

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Jean-Pierre Rosa, rédacteur des SSF

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