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Dossier Rencontres anuelles
Par Yamina Benguigui, Vincent Capo-Canellas, Claude Bartolone, Mgr Pascal Delannoy
Introduction – Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France
Ce n’est pas un hasard si cette session des Semaines sociales se déroule ici à Villepinte, au Parc des Expositions, dans le département de Seine-Saint-Denis. Nous voulions nous rendre proches pour quelques jours d’un département dont on parle beaucoup, mais que peu d’entre nous fréquentent. Nous voulions mesurer ce que sont les efforts, les dynamismes, mais aussi les attentes et les manques de ceux qui combattent au jour le jour pour faire de ce département une communauté vivante, fraternelle, qui résiste, qui innove. Un récent numéro de la revue Projet rappelait que le département comptait avant la crise plus de 49 000 rmistes, dont plus de la moitié sans emploi depuis plus de trois ans. Mais la Seine-Saint-Denis est aussi le plus jeune département d’Ile-de-France : 30 % de la population est âgée de moins de 20 ans. Un département qui fait preuve d’énergie, qui innove, oui, mais est-ce suffisant ? C’est ce que nous allons demander aux intervenants de cette table ronde d’ouverture. Comment vivent-ils la question des solidarités ? Sont-elles complémentaires, accessoires ? Ou sont-elles un élément avec lequel on peut compter ?
YAMINA BENGUIGUI*
Messieurs les Présidents, Monsieur Le Maire, Mesdames, Messieurs, chers amis. Mon intention en réalisant le film 9-3, histoire d’un territoire était de raconter la petite histoire, celle que l’on scrute par le petit bout de la lorgnette, celle qui met l’homme au centre du propos pour mieux comprendre l’histoire. C’est pour cette raison que j’ai
construit ce film sous la forme d’un récit historique et chronologique en suivant trois axes directeurs : l’industrialisation, le logement et le peuplement avec, au bout, un territoire : « le 9-3 ». Saisir la dimension humaine de cette histoire était l’objectif majeur de mon film en prenant le temps nécessaire pour aller recueillir cette parole non tronquée.
D’une certaine façon, il est né un soir de novembre 2005, à l’occasion de la sortie en
salle de mon film Le plafond de verre, alors que j’organisais des débats au cinéma Le Saint André des Arts. Ce jour-là, suite au décès accidentel de deux jeunes poursuivis par la police et électrocutés dans un abri EDF à Clichy-sous-Bois, la banlieue s’embrasait, la France et le monde s’étonnaient. Le même soir, devant le cinéma, le trottoir débordait d’une foule nerveuse. Le quartier était bouclé. Nous étions en train de débattre à l’intérieur, et soudain, une charge de CRS, des insultes et un cri plus puissant que les autres fusait : « Tahia le 93 ! ». « Tahia » veut dire « que vive la terre ! ». C’était un cri que je connaissais, entendu dans un film très connu, La bataille d’Alger1 : le peuple algérien y criait « Tahia, l’Algérie ! ». Cette résonance à l’appartenance à la terre m’a complètement habitée pendant plusieurs jours. Les nouvelles continuaient par ailleurs d’affluer, les émeutes, et c’est alors que j’ai pensé : qu’est-ce que je peux faire ? À la question « pourquoi brûlent-ils des voitures ? », je n’avais qu’une réponse, c’était de reprendre ma caméra et d’essayer de comprendre la révolte de cette génération née sur ce petit morceau de France. Faire ce film, c’était raconter la genèse de ce département ballotté par des fluctuations économiques en lui restituant son histoire, sa mémoire, sa dignité et le respect qui lui est dû ; c’était le rattacher ainsi à ma manière à tous les autres morceaux de France.
Je suis une cinéaste engagée qui se veut être un petit témoin de son époque et j’ai choisi comme moyen d’action le film. Chaque fois que j’entreprends un nouveau film, j’ai la conviction et l’énergie de croire que l’image est un outil essentiel pour bousculer les consciences et faire évoluer les mentalités. Depuis plus de quinze ans, tout mon travail de réalisatrice s’inscrit dans cette démarche. Une fois le film terminé, je vais à la rencontre des citoyens et des décideurs pour les sensibiliser au fait que chacun doit se sentir concerné par la problématique des discriminations, de la méconnaissance et de la peur de l’autre. C’est dans cette intention que pendant des mois j’ai parcouru la France pour débattre avec le public après la projection de 9-3, mémoire d’un territoire. C’est l’accueil du public, le relais que prennent souvent les décideurs, qui me donne le courage de continuer inlassablement à privilégier dans mes films l’angle humain, le vécu, pour exprimer l’indicible, libérer la parole, changer de regard sur l’autre pour un mieux vivre – ensemble et enfin pour permettre l’enracinement des générations issues de l’immigration, afin de s’inscrire ensemble dans une histoire commune et un mieux vivre ensemble.
* Yamina Benguigui est réalisatrice, auteur de documentaires pour la télévision dont Femmes d’islam (1994) ; Mémoires d’immigrés (1998), Le plafond de verre (2006), Le 9-3, mémoires d’un territoire (2008), mais aussi de fictions et d’une série à succès : Aïcha. Elle est aussi conseillère municipale du XXe arrondissement de Paris et adjointe chargée des droits de l’homme et de la lutte contre les discriminations.
VINCENT CAPO-CANELLAS *
Yamina Benguigui vient fort bien de dresser le tableau de ce département. Je commencerai mon intervention par une expérience personnelle : je suis issu d’une famille politique qui est un peu l’héritière de la Démocratie chrétienne – j’ai commencé ma modeste vie politique au CDS à l’époque, au sein de l’UDF et j’appartiens aujourd’hui au Nouveau Centre. Je me souviens d’un militant qui participait régulièrement à ces Semaines sociales et nous interpellait ensuite lors des bureaux politiques de l’UDF en nous demandant de nous secouer ! Il nous disait : « je viens des Semaines sociales, voilà ce dont nous avons débattu, voilà ce que nous avons entendu ; à vous de le traduire maintenant dans l’offre politique ! ». J’ai une pensée pour ce militant-là aujourd’hui, lui qui venait nous donner ce souffle de la question sociale, parfois avec des mots de révolte. Cette révolte et ses interrogations sont saines, en particulier ici dans notre département. Pour nous élus locaux, il s’agit ensuite de traduire la solidarité dans la gestion de tous les jours, avec des procédures, avec des budgets, avec l’ensemble du monde associatif mais aussi dans des regards humains. Parce que la question sociale ne se réduit pas à des procédures, des moyens financiers ou des guichets ; c’est une affaire de dignité, de lien social, d’écoute et de chaleur humaine.
La Seine-Saint-Denis est l’un des départements dans lesquels les notions d’expérimentation sociale, d’histoire sociale et de luttes sociales ont une part toute particulière. Toutes tendances politiques confondues, nous sommes héritiers de cette tradition-là. Ici, la question de l’accueil des mineurs isolés à Roissy n’est pas un problème abstrait. Les questions du lien à l’autre, de l’accueil de l’étranger, du projet de société, du lien social sont ici plus qu’ailleurs des sujets très concrets. Tout comme les difficultés scolaires ou les difficultés d’intégration, les questions de développement social et urbain, de politique de la ville, de logement, de lutte contre l’insalubrité, d’accès aux droits sont notre lot quotidien.
Mais notre département ne se réduit pas à cette énumération et ce simple constat social. Sur tous ces sujets, nous sommes de fait un laboratoire d’expérimentation sociale mais aussi économique. La Seine-Saint-Denis est en dynamique. Le modeste maire du Bourget que je suis a construit avec ses collègues la communauté de communes de l’aéroport du Bourget. Nous y créons du développement et, je le souhaite, du développement solidaire pour demain. Car nous savons tous que pour qu’il y ait solidarité, il faut tenir les deux bouts de la chaîne : le social et l’économique. L’enjeu pour nous aujourd’hui est bien celui-là, c’est-à-dire en premier lieu la solidarité bien sûr, mais aussi faire que ce département ne soit pas uniquement celui des premiers et deuxièmes accueils des populations en difficulté. Nous voudrions aussi que les classes moyennes et supérieures se sentent bien ici, faute de quoi la Seine-Saint-Denis risquerait d’être prise dans une logique de ghetto. Nous souhaitons au contraire sortir de ce piège en tenant les deux bouts de la chaîne, en recherchant un équilibre pour bâtir l’avenir.
Reprenant le titre de votre session « Nouvelles solidarités, nouvelle société », je voudrais dire aussi que les nouvelles solidarités devraient inclure l’évaluation, c’est-à-dire accepter que la question de l’évolution des structures sociales soit posée. Je suis frappé de voir combien les personnes en difficulté ont en face d’elles des logiques de guichets, de procédures. La solidarité aujourd’hui, cela ne peut pas être uniquement d’aligner des budgets ou de créer de nouvelles aides ; c’est aussi réfléchir sur le parcours des personnes, sur le sens à donner à ces dispositifs et faire en sorte que chacun puisse effectivement trouver sa place. Les questions d’efficacité des dispositifs et des structures sont au centre de nouveaux débats aujourd’hui. La réforme territoriale porte en elle un certain nombre d’interrogations.
Ces réformes de structures ne sont pas taboues, mais elles nous renvoient à une question beaucoup plus large : au fond, dans le monde qui est le nôtre, quelle société voulons-nous ? Antoine de Saint-Exupéry disait « Fais de ta vie un rêve et de ton rêve une réalité ». Aujourd’hui, en particulier dans ce moment de crise où chacun sent bien que le lien social est plus que jamais en risque de se déliter, quel modèle de société voulons-nous et quelle place pour l’homme dans ce modèle ? Quelle place pour la responsabilité ? Quels droits pour l’individu dans une société où, encore récemment, une société a tenté un coup publicitaire en annonçant la distribution de billets de banque dans la rue jusqu’à créer une émeute ? Quelle insulte à la conscience sociale que de jouer ainsi sur les difficultés de certains pour un motif publicitaire ! Mais aussi quel symbole, malheureusement très fort, d’une société qui perd ses valeurs. On a le sentiment que tout se financiarise et que la question de la dignité de l’homme et de sa responsabilité est passée au second plan.
Enfin, je voudrais vous dire que nous, élus locaux de Seine-Saint-Denis participant à cette session des Semaines sociales, sommes demandeurs de votre expertise, de vos expériences de terrain. Parce qu’ici en particulier, nous avons la volonté de construire une société plus fraternelle et plus humaine, nous savons qu’il faut des prestations, des dynamiques, mais nous n’oublions pas que c’est la relation humaine qui fait l’évolution sociale. C’est pourquoi il me semble nécessaire aujourd’hui de se centrer sur la question de la dignité de la personne : quel sens lui donne-t-on ? Quelles conséquences en tire-t-on dans l’organisation sociale ? Quelle place pour la personne, pour l’individu dans une société qui change, qui évolue, qui s’est beaucoup dématérialisée et qui se cherche ? Car la question centrale de demain est plus que jamais celle du projet de société. Nous, élus de Seine-Saint-Denis, héritiers d’une tradition fière de la notion de solidarité, nous serons attentifs à votre capacité à nous proposer des axes de travail nouveaux pour de vraies nouvelles solidarités.
* Vincent Capo-Canellas est maire de la commune du Bourget, conseiller général, président de la Communauté de communes de l’aéroport du Bourget.
CLAUDE BARTOLONE*
Bonjour et bienvenue dans ce département où l’on vit en venant de tous les pays du monde, où l’on est représentant de toutes les couleurs du monde, de toutes les cultures du monde et de toutes les religions du monde ! Bienvenue dans ce département où nous inventons chaque jour l’identité nationale ! Quand j’évoque ces deux mots, je ne le fais pas dans le but de désigner l’immigré, le bouc émissaire, celui qui serait le grain de sable de la société française, celui à qui l’on devrait tous nos maux. L’identité nationale c’est la solidarité : cette richesse, cette invention aussi importante que l’art ou la science. C’est cette identité nationale que nous voulons reconnaître et faire avancer, dans un département populaire comme la Seine-Saint-Denis. J’insiste sur ce nom, car dans ce nom même, nous sentons bien le lien que nous voulons établir avec une histoire ; je n’aime pas l’expression 9-3, car en Seine-Saint-Denis, nous ne sommes pas de mauvais numéros ! Nous sommes le produit de l’histoire d’un territoire et d’un pays, nous sommes le produit d’une société, nous sommes le produit de l’industrialisation, de l’immigration et de la mondialisation. Et dans ce département plus que dans tout autre, nous devons nous poser la question du sens de la solidarité. Qu’est-ce que la solidarité ? Chaque fois que j’agis en tant que président du Conseil général, pour donner du sens à nos politiques, je me pose cette question, car il faut être précis. D’abord la solidarité, cela ne peut pas être seulement un geste de charité pour se préserver de tout le reste. À mon sens, la solidarité cela ne peut se réduire aux pièces jaunes et cela ne peut se résumer à un seul acte de bonne conscience. Ce n’est pas non plus un égalitarisme irréaliste, la solidarité c’est l’égalité. C’est ce choix politique, celui du refus d’un ordre naturel qui déciderait que les forts survivent et que les fragiles subissent. La solidarité, c’est donner les mêmes moyens à tous de réussir et après, que les talents s’expriment. Trop de jeunes ont le sentiment qu’on les met sur une ligne de départ, mais que ce sont toujours les mêmes qui ont des semelles plombées et toujours les mêmes qui ont la dernière paire de Nike ! À ces jeunes, je dis « nous allons veiller à ce que vous ayez tous les mêmes moyens sur la ligne de départ, nous serons là pour vous rattraper si vous avez une difficulté ; ensuite, ce seront la motivation et les talents qui feront la différence ! »
Ici, sur ce territoire en particulier, cette tâche est compliquée. Ces solidarités que nous mettons en oeuvre, nous les revisitons chaque jour et nous les repensons sans cesse. Quelques remarques : que veulent dire les discours faciles sur la responsabilité parentale quand les parents sont tellement fragilisés qu’ils n’ont plus que la fin de la semaine comme horizon de leur propre existence ? Que signifie l’autorité parentale si l’on n’est pas aux côtés de ces familles monoparentales, de ces femmes et de ces enfants qui, pour deux millions d’entre eux, vivent dans la pauvreté ? Que voudrait dire la solidarité si chaque jour on rappelait les uns et les autres à leurs devoirs, sans qu’ils puissent pouvoir exprimer l’idée de Droit ? C’est justement cela que nous essayons de bâtir ici au quotidien, dans des conditions pas toujours faciles. Nous voulons réussir à montrer qu’après avoir connu l’industrialisation puis la désindustrialisation, notre département-monde ne sera plus une terre d’exclusion. La Seine-Saint-Denis doit donner toutes leurs chances à ses enfants, et accorder une attention toute particulière aux enfants frappés par les inégalités sociales. Ils ont le droit d’avoir un avenir, nous avons le devoir de leur en donner les moyens.
Nous devons d’autant plus tenir ce discours aujourd’hui que sur ce territoire stigmatisé, il y a aussi un développement de richesses. Vous êtes ici sur une zone, le Parc des Expositions de Villepinte, qui accueille des manifestations et témoigne que le commerce international, la création de richesses, la création d’emplois et la création de solidarité sont à l’œuvre. Nous sommes sur un sillon qui, de la Porte de la Chapelle à Roissy, connaît la croissance et le développement. Mais si, pour une partie de la population, ce développement se résume au Disneyland de l’emploi, à l’admiration des façades – notamment des entreprises du CAC 40 qui découvrent les quartiers populaires – sans qu’elles puissent jamais y accéder, il y aurait quelque chose qui ne marcherait pas.
Pas de solidarité sans services publics
Ce que doivent être les nouvelles solidarités à bâtir ou à redécouvrir, je le résumerai par deux mots : le Droit et le service public. Je crois que dans cette société qui s’individualise, il faut redécouvrir et renforcer les droits individuels. On ne peut en rester uniquement à des discours sur l’éducation, la santé, le logement et le droit de vieillir décemment. Il faut en arriver à un système juridique qui fixe des objectifs et des obligations, pour permettre à chacun de prétendre à cette part de Droit qui forge son identité et qui lui permet de se reconnaître dans une aventure collective.
Quant aux services publics, ils sont la seule arme à notre disposition en tant que responsables de grandes collectivités locales pour offrir un bout de patrimoine à ceux qui n’ont pas de patrimoine ! C’est cela le service public. Permettez-moi de dire là un mot de mon inquiétude sur les différentes réformes qui circulent actuellement et sur la manière dont on veut redessiner le paysage des collectivités locales. Ne tombez pas dans le piège de l’argument selon lequel il faut déformer les collectivités locales pour diviser le nombre d’élus par deux. Dans la collectivité locale où nous siégeons Vincent Capo-Canellas et moi, j’ai calculé l’économie que pouvait représenter dans un budget comme celui de la Seine-Saint-Denis une division par deux du nombre d’élus : 0,05 %. En revanche, avec la suppression de ce que l’on appelle « la clause de compétence générale » est menacé tout un volet de notre action qui touche aux services publics et au soutien aux associations. Voilà mon inquiétude. La France, comme ses voisins européens, traverse une crise financière très grave. Chacun sait maintenant que des efforts importants seront nécessaires pour revenir à un déficit compatible avec les différents textes européens qui nous engagent. Mais attention, ce ne peut pas être la sécurité sociale, les services publics et la solidarité qui seraient les seuls à compenser ce déficit, avec toutes les conséquences humaines, sociales et républicaines que cela engendrerait. En Seine-Saint-Denis, nous voulons être au plus proche des citoyens qui ont besoin de la présence de services publics, qui ont besoin de l’égalité et de la solidarité. La solidarité, nous essayons non seulement de l’appliquer, mais aussi de la réinventer au quotidien. La Seine-Saint-Denis se doit d’être une terre d’invention sociale.
* Claude Bartolone, Secrétaire national du Parti socialiste, chargé des relations extérieures, est le Président du Conseil Général de Seine-Saint-Denis. Il a également été ministre de la ville du gouvernement Jospin en 1998.
MGR PASCAL DELANNOY*
Sur cette terre, je suis certainement le dernier arrivé puisque j’ai pris possession du siège d’évêque depuis six mois seulement. Depuis, je découvre avec beaucoup de passion ce diocèse de Saint-Denis. La première chose qui me marque, cela a déjà été dit, c’est la diversité culturelle, une diversité présente au sein même des communautés chrétiennes. Le premier défi que nous devons sans cesse relever au titre d’une solidarité élémentaire dans ces communautés, c’est de permettre à chacun de prendre toute sa place, quels que soient le pays et le lieu d’où il vienne, afin que chacun puisse donner ce qu’il est, dans l’originalité d’une culture. Vivre des assemblées chrétiennes très diverses, c’est aussi être constamment propulsé vers une solidarité internationale. Quand nous voyons nos frères africains ou nos frères d’Asie porteurs de préoccupations, de questions, de problèmes, immédiatement notre champ de solidarité dépasse le niveau local pour s’ouvrir à l’international. Dans un diocèse comme le nôtre, nous ne pouvons pas être indifférents à ce qui se passe en dehors de nos frontières. Se questionner sur la solidarité dans le diocèse, c’est aussitôt se questionner sur une solidarité au niveau international.
Un diocèse comme la Seine-Saint-Denis nous oblige par ailleurs constamment à parler de la solidarité en termes concrets. Nous ne pouvons pas rêver la solidarité, nous ne pouvons que la vivre. Un exemple tout simple : quand je suis arrivé ici, plusieurs m’ont dit « vous avez de la chance, car vous arrivez dans le département le plus jeune de France : 30 % de la population a moins de 20 ans ». Mais concrètement, comment disons-nous à ces jeunes qu’ils sont porteurs d’un avenir pour notre société ? Comment ne pas en faire des jeunes désespérés face à l’avenir qui se ferme devant eux ? La question se précise là jour après jour : comment leur permettre d’avoir un projet qui les mobilise et qui engage leur dynamisme pour l’avenir ? On peut avoir un discours très théorique sur ces questions, mais celui-ci peut littéralement exploser sur le terrain quand nous voyons la situation de certains jeunes.
J’effectue actuellement une visite pastorale des cités – ces cités souvent caricaturées pour définir ce qu’est la Seine-Saint-Denis. Ce que j’y découvre est souvent une solidarité concrète au quotidien. Il suffit de quelques personnes, parfois d’une seulement, pour que se tisse le lien social et pour que se manifeste une réelle solidarité dans le quotidien. La solidarité ne se vit pas seulement par l’engagement associatif, politique ou ecclésial mais également jour après jour dans les quartiers là où des personnes, et parmi elles des croyants, sont présentes. Dans ces cités, je rencontre bien sûr des gens pressés de partir ailleurs, mais d’autres me disent combien ils sont attachés à ces lieux qu’ils ne souhaitent pas quitter car il est pour eux un lieu de vie, de relations et de liens.
Le diocèse de Saint-Denis est, vous le devinez, un diocèse très engagé au niveau de la solidarité. Un conseil diocésain de la solidarité se réunit régulièrement où les différents acteurs de la solidarité peuvent s’exprimer. Cette solidarité au quotidien, nous souhaiterions cependant qu’elle s’exprime davantage. Nous trouvons que souvent les chrétiens ont trop de pudeur pour en parler. Au mois de mars prochain, nous allons donc proposer une semaine baptisée « Le Printemps des solidarités ». Que ces Semaines sociales aient lieu dans notre diocèse est pour nous une invitation encore plus forte à nous mobiliser et préparer ce temps fort. Son objectif est de permettre aux chrétiens du diocèse de dire tout simplement comment ils sont acteurs de la solidarité – certains sont engagés au niveau politique, associatif ; d’autres de façon toute simple dans leur voisinage – jusqu’à nommer Celui qui la source de cette solidarité : Jésus Christ.
* Mgr Pascal Delannoy est évêque de Saint Denis.
Le désert relationnel des jeunes, parlons-en !
Un furieux besoin de cohérence
Compte rendu – session 2022 – 2/3 Une planète vivable et pacifiée
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