Samuel Paty, hussard de notre temps, pédagogue sérieux quand il le fallait, transmetteur plein d’humour quand il le pouvait, avait l’amour de la République chevillé au corps. Il avait choisi le métier difficile d’enseignant pour faire grandir la conscience d’une communauté d’appartenance en direction d’une jeunesse hybride, plurielle, en quête de sens. Il cherchait des solutions pour partager avec ses élèves la devise républicaine (Liberté / Égalité / Fraternité) en actes. Il disait les choses. Il montrait des choses. Il avait du tact dans son courage. Il était incontestablement moderne et fonctionnait en mode tranquille jusqu’au jour d’octobre où il a dû déposer plainte. Il s’est certainement mis à douter.
La République n’a peut-être pas été à sa hauteur à lui. Robert Badinter a parlé du « héros tranquille ». Elle a été reprise par le Président de la République. Face à la menace évidente, personne n’a évidemment imaginé le pire. Personne n’a jamais pensé qu’un jeune fanatisé pourrait commettre l’acte le plus barbare. Ce sont des réseaux dits sociaux qui ont amené ce pire. Et l’irréparable a été commis. De manière odieuse. Autant certains avaient pu rechigner à se dire « Nous sommes Charlie», autant il est impossible qu’un seul de nos concitoyens refuse de se dire « Je suis Samuel Paty ». Nous sommes tous devenus Samuel Paty.
« Le moment vient de « réarmer » la République, c’est à dire de lui redonner un nouveau souffle, un gouvernail solide et un cap bien identifié dans une tempête aux vents mauvais. »
La donne a changé. Assassiné en partant en vacances, Samuel Paty va aider malgré lui à préparer une autre rentrée scolaire. Elle commencera par une minute de silence décidée par le Ministre de l’éducation nationale. Ce silence devra être unanimement respecté au début et dans la durée il doit devenir un bruit nouveau et fracassant. Le moment vient de « réarmer » la République, c’est à dire de lui redonner un nouveau souffle, un gouvernail solide et un cap bien identifié dans une tempête aux vents mauvais.
Notre République est devenue plus faible. Nous le savons tous. Nous le voyons tous. Le concept de laïcité qui garantit aussi la liberté de conscience et le droit d’exprimer ses convictions dans tous les domaines est toujours mal compris. La liberté qui offre l’opportunité de raisonnement et de relation à titre personnel et collectif est souvent dévoyée. L’égalité des chances et de tous les citoyens devant la loi sans distinction de sexe, d’origine et de religion est un combat du quotidien. La fraternité, comme troisième et dernier pilier de notre devise nationale, impliquant la tolérance et le respect contribuant à la paix, en est encore trop le parent pauvre. Pourtant c’est bien d’une fraternité politique fondant une appartenance à un commun et l’adhésion à des communs, que peuvent se traduire des versions modernes de la liberté et de l’égalité. De ce point de vue, le projet républicain est un projet à réinventer en permanence. Les concepts s’imposent mais la réalité se tisse pour s’écrire et se vivre. Samuel Paty s’essayait à cet exercice de réinvention permanente du modèle républicain. Les enseignants sont les premiers de ligne d’une armée qui a perdu beaucoup de combattants.
Les partis politiques ont leur part de responsabilité dans cette forme de faillite républicaine. La République en marche ne marchera vraiment mieux qu’à partir de la prise de conscience de cet effondrement. La République en marche ne marchera mieux qu’au prix d’une vive remobilisation républicaine.
« La République comme la démocratie, ne se décrètent pas mais se construisent avec les hommes et les femmes d’une époque. Il est urgent de se presser de redonner du contenu au cadre républicain. »
Cette mobilisation appelle l’ensemble des acteurs qui veulent faire République à entrer en dialogue. La République comme la démocratie, ne se décrètent pas mais se construisent avec les hommes et les femmes d’une époque. Il est urgent de se presser de redonner du contenu au cadre républicain.
Nous allons avoir aux Semaines sociales trois journées pour y penser fort en Novembre. Penser fort à Samuel Paty, penser fort à la République à remobiliser dans ses fondements, penser fort à la manière de reconsidérer ce corps enseignant qui fait République à l’école. L’enseignement catholique à tous les niveaux doit aussi participer à cet élan au nom de sa mission de service public. Et pour chacun de nous, il faut trouver à travers l’engagement de nouveaux leviers d’innovation dans les champs de la politique de la ville, de la prévention, de l’éducation intégrale. A court terme, que l’Etat nous rassure avec des dispositions sécuritaires adaptées, est nécessaire. Mais le plus robuste est à venir et la disparition tragique de Samuel Paty nous engage tous, comme citoyennes et citoyens!
Denis Vinckier, conseiller régional des Hauts de France