Les religions comme source d’espérance

Samedi 3 Octobre 2015 – Religions et cultures, ressources pour imaginer le monde – 90ème session

Avec Bernard Perret, socioéconomiste.

Répondre à un défi anthropologique d’une ampleur inédite

Quand nous avons discuté du principe de cette intervention avec Jérôme Vignon, l’encyclique Laudato Si’ n’avait pas encore été publiée. Nous pensions, bien sûr, que ce serait un événement important, mais nous ne pouvions pas deviner qu’elle apporterait des éléments de réponse aussi forts et substantiels à la question qui nous réunit ce matin, celle de la place de l’espérance religieuse dans un monde qui doit faire face à des défis sans précédent, à commencer par celui du changement climatique, dont je parlerai à titre d’exemple paradigmatique, bien que cela ne soit pas le seul. Conscient du risque que je prends en m’exprimant sur des sujets largement traités dans l’encyclique, je vais vous livrer mes propres réflexions, qui, heureusement, recouperont souvent celles du pape.

Commençons par ce titre « Les religions comme source d’espérance ». Au premier abord, il peut s’entendre dans le registre bien balisé du « supplément d’âme ». L’humanité serait confrontée à une situation si difficile et angoissante qu’elle devrait faire appel aux religions pour se donner du cœur au ventre, se donner des repères moraux, un idéal susceptible d’inspirer des comportements vertueux, et enfin des motifs de consolation pour nous aider à traverser une mauvaise passe. C’est à des choses de ce genre que l’on pense quand on voit la religion convoquée par tel ou tel leader d’opinion, à titre supplétif, comme on mobiliserait une source d’énergie cachée pour la mettre au service d’une idée préétablie du bien commun, par exemple le « développement durable » ou la transition écologique. Mais, bien sûr, ce n’est pas ainsi que les choses se passent : le « sens » porté par une tradition religieuse ne peut être vécu que pour lui-même, il échappe, par nature, à toute instrumentalisation.

Il n’en est pas moins vrai que les traditions religieuses – mais aussi les idéaux politiques, humanistes, socialistes ou autres – sont convoquées et mises à l’épreuve par la situation que connaît l’humanité. Les défis auxquels nous sommes confrontés nous placent en effet dans l’obligation de réinventer le sens de l’aventure humaine et de ressaisir dans une nouvelle perspective le sens des traditions religieuses. Il ne s’agit donc pas seulement de mobiliser des ressources de sens qui se trouveraient prêtes à l’emploi dans nos livres saints et nos traditions. Dans une large mesure, nous avons à faire du neuf à partir de ce dépôt. Cela vaut, je pense, pour toutes les religions, mais je me limiterai ici au point de vue du chrétien que j’essaie d’être.

Le pape, à bien le lire, ne dit pas autre chose. En témoigne la phrase qui ouvre le premier chapitre de l’encyclique Laudato Si’ : « Les réflexions théologiques ou philosophiques sur la situation de l’humanité et du monde, peuvent paraître un message répétitif et abstrait, si elles ne se présentent pas de nouveau à partir d’une confrontation avec le contexte actuel, en ce qu’il a d’inédit pour l’histoire de l’humanité. » (17)

L’inédit auquel nous sommes confrontés nous oblige à faire du neuf. Et ce n’est pas seulement une question de pédagogie et de communication, une question de présentation du message chrétien ; se confronter réellement aux vicissitudes de l’histoire humaine, c’est accepter par avance que cela puisse changer quelque chose dans notre vie spirituelle. Je pense ici à une phrase fameuse du philosophe chrétien Emmanuel Mounier, juste après la seconde guerre mondiale : « L’événement sera notre maître intérieur. » Je pense aussi à cette expression si souvent employée à l’époque du concile Vatican II : « les signes des temps ». Que dit-on quand on parle de « signes des temps », sinon que l’histoire humaine est un lieu de révélation ?

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