L’actuel débat parlementaire sur le séparatisme islamiste donne lieu à des excès et à des contre-vérités qui laissent perplexes les habitants des quartiers populaires confrontés au quotidien au défi du vivre-ensemble. Un coté de l’hémicycle fantasme une vague islamiste menaçant la civilisation occidentale. L’autre côté, croyant lutter contre l’islamophobie, s’en prend violement aux chrétiens. Beaucoup, des deux côtés, tombent sans discernement dans une vision tronquée de la laïcité dont la mission n’est plus d’assurer la liberté de conscience mais d’expurger notre société de toute trace de religion.
La Mission Ouvrière, service de l’Église catholique dédiée aux personnes du milieu ouvrier, est présente dans les deux tiers des quartiers populaires de notre pays. Ses acteurs écoutent la vie des habitants, quelles que soient leurs origines et leurs religions. Dans leurs paroles, la question des séparatismes n’est pas prise à la légère. Les jeunes qui ont mal tourné existent bel et bien, tout comme les religieux adeptes du repli communautaire. Le dialogue interculturel et interreligieux reste un combat quotidien. Mais les perspectives concrètes exprimées par les acteurs de terrain lors des rencontres de l’Action Catholique Ouvrière, des initiatives de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne ou des clubs de l’Action Catholique des Enfants sont bien loin des chimères qui résonnent entre les murs du palais Bourbon. On n’y parle pas d’une laïcité de combat renvoyant toute forme de spiritualité dans les catacombes de la vie privée. On y parle d’emploi, de services-publics, de vie associative, d’éducation, de logement…
« C’est vrai, il y a des petits groupes fondamentalistes de toute part. Mais le terrorisme commence quand « tu as chassé la merveille de la création, l’homme et la femme, et que tu y as mis l’argent ». Ce système est terroriste. »
Certains répondrons que faire d’un combat culturel une question de justice économique et sociale est une faiblesse naïve qui ouvre large la porte aux extrémistes. Ils changeraient surement d’avis s’ils vivaient ne serait-ce qu’une année dans nos quartiers vidés de leurs services-publics par les privatisations, purgés de leurs associations par les baisses de financements et minés de chômage par les politiques néo-libérales qui ont détruit les emplois industriels et le droit du travail. Des politiques dictées par ce que ls pape François appelle « un terrorisme de base qui découle du contrôle mondial de l’argent (1) » . Le pape ne se trompe pas de combat : « Ce terrorisme de base alimente les terrorismes dérivés comme le terrorisme de la drogue, le terrorisme d’État et celui que certains appellent à tort terrorisme ethnique ou religieux. Mais aucun peuple, aucune religion n’est terroriste! C’est vrai, il y a des petits groupes fondamentalistes de toute part. Mais le terrorisme commence quand « tu as chassé la merveille de la création, l’homme et la femme, et que tu y as mis l’argent ». Ce système est terroriste (2) » .
Dans nos quartiers, ils sont encore des milliers à croire que notre République peut vaincre le terrorisme de base lié au pouvoir de l’argent et le séparatisme qui en découle. Ce sont des bénévoles, des élus, des travailleurs sociaux, souvent des croyants animés par leur foi, qui font vivre les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Aujourd’hui, le débat parlementaire donne à bon nombre d’entre eux le sentiment d’être mis dans le même sac que les extrémistes simplement parce qu’ils osent dire leur foi en Dieu en même temps que leur amour de la République.
Messieurs les parlementaires, ne vous trompez de combat. Mais s’il vous plait, par vos mots inconsidérés cessez de dégouter ces militants de terrain. Ils sont les derniers à se battre pour rendre notre République désirable aux enfants qu’elle a abandonnés.
Stéphane Haar, délégué diocésain à la mission ouvrière du diocèse de Lille.
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1. Discours du pape François à la 3ème rencontre mondiale des mouvements populaires, 6 novembre 2016.
2. Idem