Le Covid 19, un révélateur et un moteur

L’épidémie de Covid-19 agit sur nous comme un révélateur.

Révélateur humain tout d’abord. La situation d’exception et de stress que l’épidémie créée exacerbe nos passions tristes comme nos élans de lumière. Nous assistons, effarés, à des actes de vandalisme et de pillage de magasins fermés, à l’apparition, de la part de particuliers comme au niveau international et institutionnel, de véritables marchés noir (masques, respirateurs…). Sans aller jusque là nous voyons se développer – en pleine période de stress due au confinement – des propos accusateurs (c’est la faute à…le plus souvent c’est le gouvernement qui est pris à partie mais pas seulement) qui ne changent rien à rien si ce n’est à faire monter le stress des personnes qui les prononcent. De l’autre côté des actes de solidarité effective sont posés avec une créativité qui n’a apparemment pas de borne et les propos de réconfort – qui font autant de bien à ceux qui les tiennent qu’à ceux à qui ils sont adressés – se multiplient.

Mais l’épidémie révèle aussi quelles sont les vraies valeurs. On s’aperçoit ainsi que la vie est le premier des biens, celui qu’il faut défendre avant tout, « quoi qu’il en coûte », et ce au niveau personnel comme au niveau social.

(C’est ici d’ailleurs que la rhétorique de la guerre – qui « consomme » des vies – trouve sa limite). Après la vie, viennent aussitôt le travail et les travailleurs, ainsi que les biens premiers : se chauffer, se loger, s’alimenter qui permettent tout simplement de vivre ! Le capital s’avère secondaire. Nécessaire peut-être mais secondaire. Il apparaît aussi très vite que la solidarité, la fraternité, le sens de l’autre et du respect des règles – une certaine discipline donc – sont des fondamentaux pour une vie en société, tout comme le souci des plus faibles : les vieux, les pauvres, les sans abri, qui sont en plus l’antichambre de la contagion. A eux doivent aller nos soins, en priorité. La libre circulation des biens et des personnes, si chère aux démocraties et à l’économie de marché, est ordonnée à ce bien premier qu’est la vie. Idem pour les ressources financières ou entrepreneuriales. Il s’agit là de biens eux aussi secondaires, mobilisables lorsque c’est nécessaire pour la vie des personnes.

L’épidémie révèle enfin que le souci que nous prenons de notre éco-système est fondamental. Nous nous apercevons en effet, à notre corps défendant et parfois avec stupeur, que « tout est lié » : les déforestations et les pollutions de toute nature qui fragilisent la biosphère en favorisant la diminution de la biodiversité sont à la racine du mal qui nous envahit. Les virus, sources d’épidémies, naissent en effet dans ces milieux dégradés et deviennent pandémie lorsque, fort opportunément pour leur multiplication, ils élisent domicile chez l’homme qui, en ce siècle plus qu’hier, voyage vite et partout, offrant au virus un terrain de reproduction mondial…

Le « jour d’après »

En utilisant l’expression du « jour d’après » le président Macron a bien montré qu’il ne négligeait pas cet aspect dans le virage à 180 degré qu’il annonce pour sa politique économique, nationale, européenne, écologique donc, et sociale. Reste maintenant à mettre en œuvre cette transformation. On se souvient des propos de Nicolas Sarkozy au moment de la crise des subprimes en 2008. Lui aussi annonçait une véritable révolution dans la conduite des affaires. Son élan s’est brisé sur les intérêts du système financier et sur les certitudes de l’Union européenne. Nous aurons à soutenir Macron dans l’exécution de sa promesse, et ce très vite car on ne réforme bien qu’à chaud, sous la pression des événements, lorsque les institutions dont on bouscule les habitudes ou les intérêts sont encore sous le coup de la nécessité.

Une chose apparaît dès maintenant comme sûre : le bon niveau de réflexion et d’action est le niveau mondial, il suffit de voir par exemple l’importance prise ces derniers temps par l’OMS et le soucides médias de donner des nouvelles de l’ensemble du monde. Et le second niveau d’action, celui qui pour l’instant est le seul opérationnel et pertinent est celui des Etats souverains.

A l’heure ou l’Union européenne est en question, il faut s’en souvenir. Quoi que nous en pensions.

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Jean-Pierre Rosa, philosophe et membre du groupe bioéthique et santé des SSF

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