Tribune : « L’éthique, tenter de discerner dans l’inconnu ? »
Dossier Plateforme du Bien Commun
Voici quelques réflexions organisées autour des lignes de forces présentées en partie 1 :
Le soutien au personnel soignant ne doit cependant pas masquer certains nuages comme la guerre des égos entre professeurs de médecine ou politiques devenus spécialistes des traitements anti-coronavirus. On pourrait dire que c’est une tendance bien française où chacun a une opinion à exprimer avec force. Mais au-delà de l’anecdote, ce qui est en jeu est la difficulté à vivre dans un monde incertain où les décisions doivent malgré tout être prises. Ce qui manque, c’est une culture de l’incertitude et de la complexité. Il parait plus facile à ceux qui nous gouvernent, ou aspirent à nous gouverner, de procéder par affirmation péremptoire, basée sur les connaissances du moment, quitte à se contredire le lendemain avec une nouvelle affirmation tout aussi péremptoire basée sur de nouvelles connaissances scientifiques. Cette absence de pédagogie de l’incertitude et la complexité, qui demande du temps et du courage, met à risque la démocratie. L’enjeu est de mettre toutes les cartes sur la table, sans donner l’impression d’être inefficace face aux populistes qui vendent de la certitude, qui n’existe pas.
Les initiatives pour maintenir des liens et mettre en relation se sont multipliées, elles sont souvent parties d’individus au niveau d’un quartier, d’une rue ou d’un immeuble. Mais rapidement ont émergé des initiatives municipales, régionales et nationales visant parfois exactement les mêmes objectifs avec les mêmes mécanismes de mise en relation. Peut-être que toutes ces initiatives étaient complémentaires, couvrant des publics différents. Mais il n’est pas exclu que certaines se soient neutralisées, créant de la confusion et laissant des bonnes volontés sur le bord du chemin. Ce foisonnement d’initiatives, à durée de vie limitée, est plein d’espérance pour la vitalité et l’inventivité du corps social français. Mais il faudra aussi se pencher sérieusement sur l’application du principe de subsidiarité en privilégiant autant que possible les initiatives de terrain.
Face à la montée probable du chômage de masse, il sera aussi temps de relancer le chantier d’un Revenu minimum universel, en particulier pour les moins de 25 ans qui n’ont pas accès aux minima sociaux.
La lutte contre le Covid-19 a aussi permis d’amorcer une révolution copernicienne où la France est dans le monde mais n’est pas obligatoirement le centre du monde, pour prendre une formule un peu provocatrice. La France, comme la plupart des grands pays, a souvent eu une vision autocentrée où la position de départ est de se considérer comme un cas particulier, en général plus performant que les autres (meilleurs services publics, meilleur système éducatif, meilleur système de santé, meilleures infrastructures de transport, etc). Parfois c’est exact, mais souvent c’est une simple figure de style pour éviter de regarder ce qui se passe ailleurs et de se remettre en question.
La lutte contre le Covid-19, par son unité de lieu, de temps et d’action au niveau mondial, nous oblige à regarder ce qui se passe ailleurs, y compris dans des pays plus petits et lointains, pour en tirer les leçons et éventuellement en transposer les bonnes pratiques. Ce que nous commençons à faire pour le coronavirus pourrait être étendu à d’autres domaines, en intégrant dans nos réflexions ce qui fonctionne mieux dans les autres pays européens mais aussi pourquoi pas dans des pays plus lointains. La nouvelle mondialisation solidaire que nous souhaitons ne peut pas être celle du repli sur soi.
La culture a été accessible avec une offre gratuite à la disposition de tous, accompagnée d’un effort pédagogique des professionnels de la culture (musiciens, acteurs, danseurs, chanteurs) pour attirer de nouveaux publics. On ne peut qu’espérer que ces innovations, façonnées par les circonstances, puissent fructifier et permettre de toucher durablement des publics différents, redéfinissant ainsi les contours de ce que pourrait être, demain, la culture pour tous.
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Laurent de Mautort, administrateur des SSF
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