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Dossier Rencontres anuelles
Le développement durable se heurte à un conflit d’intérêt entre d’un côté le souci d’un développement « soutenable », pensé sur le très long terme, respectueux de l’environnement et de la justice, et de l’autre, celui de l’entreprise dont la finalité et les contraintes sont avant tout financières et économiques. Comment concilier ces intérêts divergents ? Comment éviter que le thème du développement durable serve d’affiche ou en reste à l’état de vœu pieux ?
BERTRAND COLLOMB
Les débats autour du développement durable renvoient à la relation de l’homme avec le monde, comme nous l’avons vu avec le débat précédent, mais aussi à la tension entre croissance économique, ou développement, et durabilité. Certains pensent qu’il y a même incompatibilité entre ces derniers, entre autres pour des raisons d’épuisement des ressources naturelles de la planète : ce fut la thèse du Club de Rome, non vérifiée à ce jour, en tout cas dans les échéances annoncées. Après la peur de la conflagration nucléaire, c’est le risque de changement du climat qui a pris aujourd’hui le pas parmi les inquiétudes sur le devenir de l’humanité. L’homme doit-il dans ces conditions en revenir à la notion très statique de gardien d’une nature que l’on voudrait même ramener à un état naturel idéalisé ? Je n’ai pas besoin de vous dire que ce n’est pas la conception que je défends. Je pense que même s’il est difficile, le développement durable est possible. Je le pense car j’ai vu ce qu’il était possible de faire au sein de mon entreprise et dans bien d’autres. Je crois que les entreprises ont effectivement un rôle à jouer ; elles sont même nombreuses à inscrire leur action dans la perspective du développement durable. Je voudrais essayer modestement de vous faire part de mon expérience au groupe Lafarge.
Les entreprises sont évidemment les acteurs principaux de la croissance économique, de la création de richesses – on dit aujourd’hui création de valeur, mais cela revient au même. Devant leur engagement dans le développement durable, beaucoup s’interrogent pour savoir si ce n’est qu’une nouvelle astuce de communication, la forme ayant changé, pas le fond. D’autres pensent que ce nouvel objectif crée un déchirement et est totalement contradictoire avec l’idée de performance économique et financière. D’autres se disent que ce peut être un choix pour un certain type d’entreprises mais ne saurait toutes les concerner. D’autres enfin considèrent que ce dont des choix de bonne conscience pour temps heureux, mais dès que cela ira mal, ces entreprises devront en revenir à une attitude focalisée uniquement sur les priorités financières.
Je crois au contraire – c’est la thèse que je voudrais illustrer ici – que le développement durable est une logique positive que toutes les entreprises peuvent adopter. Et à partir du moment où elles le peuvent, elles le doivent. Rappelons d’abord la définition du développement durable du rapport Brundtland – « un développement qui répond aux besoins des générations du présent, sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » – et ses trois piliers : l’économique, le social et l’environnemental. Parler de développement durable pour le groupe Lafarge, c’est dire comment il s’est positionné sur chacun de ces trois piliers. Sur l’économique, si la création de richesse et de valeur est la mission même de l’entreprise, le développement durable lui apporte la dimension de la durée. Il attire son attention sur sa façon de considérer ses objectifs économiques : à court, moyen ou long terme. La vocation d’un groupe comme Lafarge est bien de s’inscrire dans la longue durée.
La dimension sociale du développement durable chez Lafarge
Précisons d’abord que le sens du mot social n’est pas tout à fait le même dans le contexte français et dans le contexte international. En France, on pense aussitôt aux relations sociales à l’intérieur de l’entreprise, alors que dans les débats sur le développement durable, social renvoie aussi aux relations externes de l’entreprise avec la société – au sociétal, dit-on parfois.
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