Dossier Rencontres anuelles

Synthèse de la session 2014 sur les Technosciences

Dimanche 23 Novembre 2014 – L’homme et les technosciences – 89ème session

Christophe Fourel, pilote de la session, économiste au ministère des Affaires sociales et de la Santé, Jérôme Vignon président des Semaines sociales de France et Nathalie Sarthou-Lajus philosophe et rédactrice en chef adjointe de la revue Études.

Christophe FOUREL

En guise de mots conclusifs, je vous propose une courte réflexion qui m’a été inspirée au fil de ces trois jours de participation et d’implication à cette session. Cette réflexion se veut une invitation à la vigilance pour que puisse perdurer notre émerveillement devant nos facultés humaines. Car nous en sommes tout d’abord émerveillés. J’ai donc articulé cette courte réflexion autour de quatre mots abondamment utilisés ces derniers jours : les mots intelligence, accélération, idéologie et critique.

Intelligence

Ce mot a traversé de part en part nos échanges et nos réflexions. Souvent en effet, il a été question de systèmes intelligents, de machines intelligentes, de maisons intelligentes, d’intelligence artificielle. Jusqu’au mot anglais smart qui est d’ailleurs le titre du livre de Frédéric Martel et qui se loge aussi dans nos poches sous la forme de smartphone. Mais de quelle « intelligence » parlons-nous ? N’y a-t-il pas un certain dévoiement du mot « intelligence » ? N’avons-nous pas tendance à oublier que l’intelligence est inséparable de la vie affective : de nos besoins, de nos désirs, de nos craintes, de nos espoirs, de nos sentiments, de nos émotions ? En leur absence, la faculté de juger, celle d’anticiper, celle d’interpréter ou encore celle d’ordonner fait défaut. Il ne reste alors que la faculté d’analyse, de calcul et de mémorisation : c’est-à-dire l’intelligence-machine. Le développement des connaissances technoscientifiques, cristallisées dans la machinerie du capital, a-t-il véritablement engendré une société de l’intelligence ? Il me semble que la grande majorité de nos concitoyens connaît de plus en plus de choses, mais en sait et en comprend de moins en moins. Il y a donc là un défi.

Accélération

Le titre du livre très stimulant de Pierre, La Transition fulgurante est très évocateur à ce sujet. Nous vivons dans un temps tellement rapide que nous ne sommes plus en capacité de vivre les évolutions qui perturbent nos systèmes d’analyse, nos systèmes de valeur et donc notre capacité à nous orienter. La technoscience produit un monde qui dépasse et contrarie le corps humain par les conduites qu’il en exige, par l’accélération et l’intensification des réactions qu’il sollicite. Les humains semblent être devenus des « goulots d’étranglement » pour la circulation et le traitement des informations et des connaissances. Ce qui conduit à évoquer la sombre perspective d’un homme devenu obsolète ! Cette perspective fait dire au philosophe Harmunt Rosa : « L’accélération sociale mène à des formes d’aliénation sociale sévères et observables empiriquement qui peuvent être vues comme le principal obstacle à la réalisation de la conception moderne d’une « vie bonne ». »

Idéologie

C’est bien cette idée de l’obsolescence de l’homme que porte en elle l’idéologie du posthumanisme. Cette idéologie prospère dans un contexte où des masses financières colossales sont en jeu. L’influence des multinationales et des oligopoles du numérique sur le progrès techno-scientifique est considérable. Il me semble que le projet posthumaniste considère que l’évolution biologique de l’homme est une impasse et que le développement de l’intelligence sur une base technologique est imposé par la loi de l’évolution.

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