Dossier Rencontres anuelles

L’imaginaire des technosciences

Samedi 22 Novembre 2014 – L’homme et les technosciences – 89ème session

Philippe Borrel réalisateur et scénariste, Alain Damasio romancier et  Flore Vasseur romancière. Une séance présidée par Christophe Fourel, économiste.

La table ronde est précédée de la projection du documentaire de Philippe Borrel « Un monde sans humains ? » qui nous fait découvrir ce que pourrait être le monde demain, ou du moins après-demain. On nous promet un monde où les défauts et déficiences seront gommés. Comme ces patients tétraplégiques greffés de micro-implants capables de commander par la pensée un ordinateur. Et mieux encore dans ce monde, l’homme pourra non seulement être corrigé mais aussi amélioré. À l’image de ces golfeurs qui se font opérer les yeux pour avoir une vision « plus que parfaite ». L’avenir ultime : le cyborg, être mi-humain, mi-machine, homme truffé de prothèses bioniques. Philippe Borrel porte un regard critique sur ce monde. Un regard militant. Aujourd’hui, ce sont les performances physiques que l’on parle d’augmenter. Mais le stade ultime, c’est le cerveau, le développement d’interfaces ordinateur/cerveau.

Christophe FOUREL

Pour débattre de ce « monde sans humains » que nous a fait découvrir Philippe Borrel, nous avons convié deux romanciers. Alain Damasio, vous êtes auteur d’ouvrages de science-fiction et connu notamment pour La Zone du dehors1 dont l’histoire se déroule en 2084, allusion au célèbre 1984 de George Orwell. Votre fiction montre la fragilité de la démocratie dans nos sociétés de contrôle où nouvelles technologies et médias tissent leur fibres… avec notre consentement implicite. Flore Vasseur, vous avez étudié à l’Institut d’études politiques avant d’intégrer HEC, puis d’entamer une carrière dans le luxe. Depuis une dizaine d’années, vous vous êtes tournée vers l’écriture. Votre domaine, c’est la politique-fiction. Votre dernier ouvrage, En bande organisée2, dénonce, sous la forme d’un polar, l’OPA du monde de la finance sur l’humanité. Vous écrivez dans ce livre : « Grâce aux politiques et aux technocrates les conseillant, la finance est devenue une industrie et non un moyen de financer l’activité. Le politique a gobé sans le moindre doute ce fantasme d’une industrie financière ultra-sophistiquée et parfaitement dupe. Magique, elle avait d’ailleurs tout prévu, les assurances, les dérivés, sous couvert d’acronymes de plus en plus incompréhensibles, l’innovation perpétuelle. Et moins le politique comprend, moins il régule… Il s’est passé les menottes. Il a donné les clés à la finance. »  Alain Damasio, êtes-vous au-delà de tout ça ?

Alain DAMASIO

Pas du tout. Le transhumanisme est un sujet que je connais bien. Cela fait une vingtaine d’années que je travaille dessus. Quand on revoit ce documentaire pour la seconde fois, on lui trouve encore plus de saveur et d’humour. J’ai été frappé par les mimiques, les arrière-plans ironiques placés dans ce film. Mais aussi par ce que je nommerais un « flagrant délit de mythification ou de mystification ». Les transhumanistes sont en train de créer un nouveau mythe et, pour que nous y adhérions, ils recourent à une sorte de storytelling très proche des mythes païens ou para-religieux. Ainsi, nous ne sommes pas très loin de la « pensée magique » (« Avec mon cerveau je vais déplacer un objet » ), voire du « cerveau magique » (« Je pourrai même déplacer ma mémoire dans le silicium ! »).

[…]

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