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Chaque semaine, un regard différent sur l'actualité.
Régulièrement les Semaines sociales de France proposent un voyage apprenant principalement au cœur des institutions européennes pour comprendre, échanger ensemble et avec les députés européens mais également en France dans des quartiers.
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La plateforme met en avant les initiatives de terrain en relation avec la pensée sociale chrétienne. Ces témoignages alimentent vos réflexions et vous donnent envie de vous engager pour dupliquer autour de vous ces actions ? Contribuez vous aussi la plateforme. Partagez vos initiatives via via plateformedubiencommun@ssf-fr.org
Dossier Rencontres anuelles
Vendredi 21 Novembre 2014 – L’homme et les technosciences – 89ème session
Échanges entre Frédéric Martel sociologue et journaliste et Bruno Patino directeur du développement à France Télévision et spécialiste du numérique. Une séance présidée par Benoît Deseure rédacteur en chef adjoint à La Voix du Nord.
Benoît DESEURE
Frédéric Martel, vous avez publié un livre dont le titre est Smart et le sous-titre, « Enquête sur les internets ». Cette vie au temps du numérique est a priori la même ici à Lille qu’aux USA ou ailleurs. Vous avez fait un long voyage pour déterminer ce qu’était l’Internet ou les internets.
Frédéric MARTEL
J’ai procédé de façon contre-intuitive en allant sur le terrain voir comment se passe Internet. J’ai parcouru une cinquantaine de pays, pendant plusieurs années, j’ai réalisé des milliers d’interviews avec des géants d’Internet, des patrons de start-up mais aussi des usagers. On se rend compte alors que l’infrastructure d’Internet est globale, qu’un grand nombre de softwares, d’outils, de sites, de réseaux sociaux sont globaux et, d’ailleurs, très souvent américains, à l’exception de la Chine qui a son modèle singulier. Une fois dit cela, on pourrait penser qu’Internet offre à chacun d’entre nous la possibilité de rejoindre une grande conversation globale, ce qui est un espoir pour certains et une crainte pour d’autres. Les patrons de la Silicon Valley espèrent que les frontières disparaîtront, que les langues s’atténueront, que les contenus culturels ou médiatiques seront plus uniformes, c’est le rêve secret des patrons de Google, Apple, Facebook, Twitter, etc. De l’autre côté, on rencontre ceux qui ont peur de cette évolution, qui craignent cette conversation globale qui emportera tout sur son passage, des gens comme Alain Finkielkraut, Mario Vargas Llosa ou Raffaele Simone. Quand on multiplie les rencontres et les observations sur le terrain, sur le plan essentiellement qualitatif mais aussi quantitatif, on s’aperçoit que cette utopie ne se vérifie pas dans les faits. En réalité, les infrastructures peuvent être globales, mais les contenus ne le sont pas ou très rarement. Il y a quelques contenus globaux, dans le jeu vidéo, par exemple, et tout le monde a vu la vidéo de ce Sud-Coréen un peu fou du quartier de Gangnam, mais ce n’est qu’une infime partie des contenus que l’on consomme et, en réalité, dans la majorité des pays, les frontières demeurent. En anglais il existe deux mots pour parler de frontière : frontier et border. Sur Internet, il n’y pas de border, c’est-à-dire la vraie frontière avec passeport, drapeau, douane mais des frontiers, symboliques, comme la frontière du Grand Ouest, qui sont marquées par la langue, par le territoire qu’on habite, la sphère culturelle à laquelle on appartient, son identité, parfois plurielle. Ceci nous prouve que nous n’avons pas affaire à un Internet, mais à des internets dans lesquels les dimensions de langue, de territoire, de culture jouent un rôle important.
Bruno PATINO
Je pense qu’il y a deux mouvements, qui ne sont pas contradictoires, mais qui ne vont pas dans le même sens : celui d’une uniformisation, une universalisation de l’Internet évoquée par Frédéric Martel car nous utilisons tous à peu près les mêmes technologies. Mécanisme d’uniformisation également sur le plan économique, au travers des géants, les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), et sur le plan des usages de ces nouvelles technologies. Sociologiquement, un changement profond n’a pas lieu quand les gens adoptent de nouvelles technologies, mais quand ils changent leurs comportements. Parallèlement à une certaine uniformisation des comportements, se déploie un mécanisme très profond de fragmentation et de parcellisation qui se produit parce qu’Internet multiplie les contextes. Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre Si nous prenons l’exemple des Google glasses, qui utilisent la réalité augmentée, une entreprise de la Silicon Valley annonçait récemment une nouvelle application permettant de modifier votre environnement, en changeant une publicité par une oeuvre d’art que vous aimez. Cet environnement vous sera sympathique, mais vous aurez ainsi une expérience différente de celle de votre voisin. Vous vivrez une expérience similaire et différente en même temps. C’est un univers qui se recontextualise autour de la personne. Chacun d’entre nous, quand il bascule dans l’univers numérique, est son propre centre, le centre de son propre univers, localisé sur ses goûts, ses pratiques, ses communautés, avec un environnement particulier qui se reconstitue autour de lui. Il existe déjà l’adaptive publishing qui fait que, sur un site de journal, vous aurez des informations légèrement différentes d’une personne à l’autre. Cela peut paraître un peu abscons, mais pour une même recherche sur un moteur de recherche, différentes personnes trouvent des choses différentes. Je dirais qu’il y a presque autant d’internets que d’individus qui se connectent. Nous avons donc, d’une part, un mouvement de grande uniformisation au travers de la planète, le fameux village global (qui n’existe pas), une économie qui se mondialise et, d’autre part, une micro-contextualisation qui fait que, petit à petit, on passe de la masse à l’individu et de l’individu à l’identité. C’est ce double mouvement que nous sommes en train de vivre.
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