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Les principes de la pensée sociale de l'Église sont tous orientés vers le respect et la promotion de la dignité humaine. La dignité procède du fait que toute personne est créée à l'image de Dieu et qu'elle est appelée au salut.
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Dossier Pensée sociale chrétienne
Mgr EMMANUEL, métropolite grec-orthodoxe de France, représentant de l’église orthodoxe auprès de l’union européenne, président de l’assemblée des évêques orthodoxe de France.
C’est un grand honneur pour moi de m’adresser à vous aujourd’hui et de partager avec vous quelques réflexions envisagées sous l’angle théologique orthodoxe, sur la relation entre l’humanité et notre planète.
Il est malheureusement devenu un lieu commun de dire que la terre est victime des épreuves infligées par l’exploitation déraisonnable que nous tous lui imposons. L’Eglise orthodoxe, et notamment le Patriarcat Œcuménique, a pris depuis fort longtemps une position ferme sur cette question brûlante, en raison de sa dévotion à la protection de l’environnement. Sa Sainteté le Patriarche œcuménique Bartholomaios s’est même vu décerner le titre de « Patriarche Vert », à la suite des travaux qu’il a suscités sur la protection des eaux : océans, mers, étangs, lacs, rivières et l’ensemble de la biosphère.
La triste réalité que nous constatons aujourd’hui, c’est que la plupart d’entre nous, et pas seulement dans les sociétés occidentales plus prospères, sont entraînés à des modes de vie basés sur le gaspillage et une insatiable avidité. Le rythme des activités humaines s’accélérant, nous sommes peu enclins à subir les sacrifices qui s’imposent, afin d’enrayer la crise écologique et nous préférons, soit l’ignorer délibérément, soit nous en désintéresser totalement. C’est pourquoi l’environnement est victime de nos excès.
Selon les paroles du Patriarche Dimitrios, d’éternelle mémoire “L’abus que l’homme contemporain fait de sa position privilégiée dans la Création et de l’ordre divin de “dominer la terre” (Gn. 1,28) a d’ores et déjà entraîné le monde au bord de la destruction apocalyptique, soit sous la forme de la pollution de la nature, dangereuse pour tous les êtres humains, soit sous la forme de l’extinction de nombreuses espèces animales et végétales de notre monde et sous bien d’autres formes encore. Les scientifiques et les personnes avisées nous mettent en garde contre cette menace et parlent de phénomènes qui mettent en péril la vie sur notre planète. “ Dans les sociétés occidentales, n’est-ce pas l’éloignement de l’homme vis à vis de Dieu et de l’environnement naturel, ainsi qu’un individualisme et un utilitarisme sans limites qui ont, de maintes façons, conduit à l’exploitation abusive de la création divine et à l’impasse écologique dont nous sommes aujourd’hui prisonniers ?
Certains prétendent que la protection de l’environnement ne relève pas de la mission de l’Eglise dans le monde. Mais ceux-là aboutissent à idolâtrer la nature en la « spiritualisant » ou bien ils vivent déconnectés du réél en la « dématérialisant». Dès lors, le monde naturel, comme notre notion du sacré, n’est plus lié au sens de la vie et à la merveille de la création. Ils ne pourraient pas être plus éloignés de la Vérité. Les Eglises et les Confessions peuvent être les alliés les plus dévoués dans la lutte menée contre la dégradation de l’environnement. La sollicitude envers l’environnement n’est pas la simple manifestation émotionnelle d’un amour superficiel. C’est une façon d’honorer et de respecter la création née de la Main et de du Verbe de Dieu. C’est une façon d’écouter “le gémissement de la Création”, selon les paroles de St Paul (Rm. 8,22). Selon les termes d’un grand théologien orthodoxe contemporain, l’économie de Dieu, à savoir Son dessein à l’égard du monde, consiste en la Déification du monde créé, tandis que le Salut et la Déification du monde présupposent, tous deux, la création de ce dernier, en tant qu’acte premier de Dieu. Indubitablement, le Salut et la Déification englobent directement l’humanité dans leur dessein, non pas une humanité séparée de la nature, mais une humanité ontologiquement liée à elle. Car si la nature dépend de l’homme, c’est aussi elle qui permet son accomplissement ; non seulement l’homme ne peut atteindre la perfection s’il ne reflète pas la nature et s’il n’en prend pas soin, mais tout simplement, il ne peut pas vivre sans la nature. Ainsi, le terme “monde”, cosmos, désigne à la fois la nature et l’humanité et même si ce terme se réfère à une seule de ces deux réalités, l’autre est toujours implicite. Par conséquent, comment l’Eglise et les fidèles pourraient-ils persister à ignorer les souffrances de la nature ? Comment le monde pourrait-il assister en simple spectateur à la lente destruction de l’ordre créé ? La théologie et la liturgie sont vitales ; elles sont, en effet, profondément associées à notre monde et à l’environnement naturel.
La vision liturgique du monde signifie que tout ce qui vit est sacré, que tout ce qui respire loue le Seigneur (Ps. 150,6), que le monde entier est le « buisson ardent des énergies divines », comme l’a exprimé Saint Maxime le Confesseur au VIIe siècle. Ce grand théologien et saint de l’Eglise ancienne a également observé que “nous ne devrions pas engager de combat contre le monde naturel créé par Dieu, mais contre ces mouvements et énergies des pouvoirs essentiels présents en chacun de nous, qui sont désordonnés, dénaturés et hostiles au monde naturel ». Dans la vision liturgique, le monde est imprégné par Dieu et Dieu imprègne le monde.
Notre péché originel, semble-t-il, réside dans le refus arrogant de recevoir le monde comme un cadeau de réconciliation, dans notre réticence à envisager humblement le monde comme un sacrement de la communion. Par conséquent, à une époque où nous avons pollué l’air que nous respirons et l’eau que nous buvons, nous sommes appelés à ranimer en nous-mêmes le sens du respect et de l’émerveillement et à répondre à cette question comme à un mystère avec des corrélations toujours croissantes. Tel est le message de la liturgie et si nous sommes coupables d’un gaspillage effréné, c’est sans doute parce que nous avons perdu l’esprit de l’adoration. Nous ne sommes plus des pèlerins respectueux sur cette terre, mais nous sommes réduits à l’état de simples consommateurs.
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