Renouveler la vision de la mondialisation avec les religions

Samedi 3 Octobre 2015 – Religions et cultures, ressources pour imaginer le monde – 90ème session

Avec Cheikh Khaled Bentounes, guide spirituel de la confrérie soufie Alâwiyya, Luigino Bruni, professeur à l’université de Rome, et Philippe Cornu, président de l’Institut d’Études Bouddhiques. Animé par Anne Ponce, directrice de Pèlerin.

—-

Anne Ponce : Cette conférence va nous demander une attitude un peu plus contemplative, d’accepter de se laisser imprégner, toucher par des choses qui pour certaines nous paraîtront plus proches et pour d’autres plus étranges. Je vous invite à écouter trois intervenants de religions différentes (chrétienne, bouddhiste, musulmane) qui vont nous introduire dans leur tradition au travers de textes sur la Création.

Luigino Bruni : J’ai choisi un texte de la Genèse, sur la tour de Babel (Gn 11,1-9). Les raisons du choix de ce texte classique se révèleront à la fin de mon intervention.

Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots.Après avoir quitté l’est, ils trouvèrent une plaine dans le pays de Shinear et s’y installèrent. Ils se dirent l’un à l’autre : « Allons ! Faisons des briques et cuisons-les au feu ! » La brique leur servit de pierre, et le bitume de ciment. Ils dirent encore: « Allons ! Construisons-nous une ville et une tour dont le sommet touche le ciel et faisons-nous un nom afin de ne pas être dispersés sur toute la surface de la terre. » L’Éternel descendit pour voir la ville et la tour que construisaient les hommes, et il dit : « Les voici qui forment un seul peuple et ont tous une même langue, et voilà ce qu’ils ont entrepris ! Maintenant, rien ne les retiendra de faire tout ce qu’ils ont projeté. Allons ! Descendons et là brouillons leur langage afin qu’ils ne se comprennent plus mutuellement. »L’Éternel les dispersa loin de là sur toute la surface de la terre. Alors ils arrêtèrent de construire la ville. C’est pourquoi on l’appela Babel : parce que c’est là que l’Éternel brouilla le langage de toute la terre et c’est de là qu’il les dispersa sur toute la surface de la terre.

La création, la terre, la fraternité

Les civilisations qui se sont avérées fécondes sont celles qui n’ont pas instauré de rapport prédateur ni avec la terre ni avec le temps, mais les ont compris, les ont vécus et les ont accueillis comme un don.

Pour la Bible, la terre est une création ; c’est donc « la terre de YHWH ». Si le monde et la terre sont une création, alors nous sommes les habitants d’une terre dont nous ne sommes pas les  propriétaires. L’humanisme biblique est centré sur la gratuité radicale du temps et de la terre ; il l’a exprimé de bien des manières, mais surtout, et de façon fondamentale, à travers la grande loi du sabbat et du jubilé : « Six jours, tu feras ce que tu as à faire, mais le septième jour, tu chômeras, afin que ton bœuf et ton âne se reposent et que le fils de ta servante et l’émigré reprennent leur souffle. » (Exode 23,10-12).

Nous ne sommes pas propriétaires du monde dans lequel nous vivons. Nous l’habitons, il nous aime, nous nourrit et nous fait vivre, mais nous sommes ses hôtes, habitants d’une terre qui est totalement nôtre et nous est totalement étrangère ; nous nous y sentons chez nous, mais en simples voyageurs. La terre, pour la Bible, est toujours une terre promise, et la terre promise est le but idéal placé devant nous, jamais atteint. La terre est promise même lorsque c’est la terre sur laquelle nous avons bâti notre maison, celle où nous avons construit notre patrie au prix de notre sang ; celle où pousse le blé de nos champs. Une loi première, une loi de gratuité, règne sur toute la terre. La terre est le premier don reçu, et c’est ainsi que nous devons la vivre et l’habiter.

[…]

Téléchargez le texte de la conférence

Les plus récents

Voir plus