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On n’aborde pas sans crainte, lorsqu’on y a été mêlé d’une manière ou d’une autre, la définition des politiques publiques relatives à l’immigration. Non pas du fait que la polémique a déjà produit sur ce sujet ; après tout, ce n’est pas vanité de dire que tous les arguments ne se valent pas. Non seulement parce que d’excellents esprits se sont déjà employés à les décrire : l’immigration a inspiré de remarquables travaux, qu’il serait d’ailleurs profitable de mettre en avant plus souvent. Mais parce que, contraint au recul, donc à l’abstraction du langage, on risque de perdre vite de vue les mille et une souffrances qui sont liées aujourd’hui aux phénomènes migratoires, qui ne seraient rien si elles engendraient au moins la certitude d’ouvrir, tôt ou tard, comme les juifs de l’Exode, sur la terre de lait et de miel. Qu’elle est triste, la nostalgie de l’exilé qui, au soir d’une vie professionnelle qui finit en chômage, se demande s’il a bien fait de quitter sa terre d’origine ; que d’agressivité dans une relation de guichet où se joue l’attribution d’un titre de séjour ; que de douleurs entre parents et enfants, quand il faut partager entre la fidélité aux traditions et l’adoption de nouvelles manières de vivre ; mais aussi que de désespoir pour le petit commerçant des quartiers tristes, dont le fonds est si déprécié qu’il n’est plus vendable ; quelle évolution pour ce conducteur d’autobus, bousculé dans son travail et donc dans ses convictions, devenant très hostile à certaines populations ou générations. La description des politiques publiques n’a pas de sens si elle ne se fait pas en contrepoint de cette réalité-là, qui en dresse aussi un portrait, comme on dit, en creux.
Et pourtant il ne peut y avoir d’immigration sans politiques publiques, ne serait-ce que celles qui, comme à Ellis Island, dans les États-Unis du début de ce siècle, recensent les arrivants et effectuent le contrôle sanitaire aux frontières. Beaucoup pins décisive que la question de savoir si la France est ou non un État-nation, dont on discute à perte de vue, paraît être celle de la conception de l’État telle que le droit international l’a imaginée depuis une centaine d’années et constamment mise en pratique au cours de ce siècle : l’État est un territoire, une population et un gouvernement. C’est à ce prix qu’il peut être un sujet de droit agissant dans les rapports internationaux . La définition de sa population implique donc qu’il soit libre non seulement d’attribuer sa nationalité à ceux qu’il définira (on sait sur ce point combien les approches peuvent être distinctes), mais aussi de déterminer la quantité et les modalités d’accès des étrangers admis sur son territoire. Il est donc toujours loisible à l’opinion, nationale ou (si ce qualificatif a un sens) internationale, de contester les nombres et les procédures; on ne saurait retirer à l’État cette prérogative. En France, on peut discuter de la fermeture (largement admise) ou de l’ouverture (revendiquée par quelques-uns) des frontières; personne ne conteste la compétence du gouvernement français pour agir sur ce point.
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