Europe et synodalité

L’auditorium de l’Institut Catholique de Paris était comble mardi 19 novembre au soir pour que soit conféré le titre de docteur honoris causa de la Faculté de théologie au Cardinal Reinhard Marx, archevêque de Munich, président de la Conférence épiscopale allemande, ancien Président de la COMECE qui réunit les conférences épiscopales des pays membres de l’UE. Sympathique décalage entre les toges noires, les épitoges de couleurs variées, les toques… et la simplicité, l’humour du Cardinal, qui commença par rappeler son année d’étude à l’ICP et son lien avec notre culture.

Cette réception se tenait à quelques jours du lancement en Allemagne de la démarche synodale, cette réponse aux scandales qui déstabilisent l’Eglise. Cette démarche associe comme partenaires l’épiscopat et les associations allemandes regroupées par le ZDK, le Comité central des Catholiques Allemands. Le thème de la synodalité a donc rythmé les interventions du Chancelier de l’Institut Catholique, Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, du Recteur Philippe Bordeyne, de Jean Louis Souletie doyen de la faculté de Théologie, et du Cardinal. Et Mgr Eric de Moulins Beaufort, Président de la Conférence des évêques de France a été cité dès le propos d’accueil « mettre la synodalité au cœur de tous les niveaux de la vie ecclésiale ».

Pour accueillir le Cardinal Marx ce vir ecclesiasticus et expliciter leur choix, ses hôtes l’ont longuement cité : « L’Eglise n’est pas une pyramide…Elle ne peut être réduite à un comité de pouvoirs masculins…… Non à la confusion entre sacerdoce et pouvoir… Les femmes ont un rôle décisif à jouer dans le démantèlement des pouvoirs cléricaux… » Mais l’Eglise, ont-ils ajouté avec lui, n’a pas su trouver les modalités pour traduire en actes cette vision il faut donc essayer ensemble de penser, avant d’agir .

La réponse du Cardinal a surpris. Il a intitulé son propos « Liberté, Egalité, Fraternité : la réponse catholique » Et il fut précis : 1789 fut une référence, voire une ligne pour l’identité européenne. La démocratie et la fraternité dans la liberté sont bien fondées sur le concept chrétien d’humanité. Le patriotisme solidaire lui permet d’évoquer la notion d’égalité dans la relation entre l’Europe et le monde, et il fut très concret : l’école et le travail dans les nouveaux pays d’immigration peuvent refaire de l’Europe un signe d’espérance pour le monde. Le trentième anniversaire de 1989 a montré combien l’égalité se heurte aux conséquences économiques et écologiques des inégalités. Mais contrairement à la pensée de son homonyme, a-t-il sourit, la lutte pour l’égalité et la fraternité ne peut affaiblir la liberté. Un rappel de Paul dans la deuxième lettre aux Corinthiens fut cité : la liberté, signe de l’image de Dieu en l’homme, est la condition préalable à l’amour, là où est l’esprit du Seigneur, là est la liberté.

« Le propos ne fut pas lénifiant : la Doctrine Sociale de l’Eglise pose les bases de la régulation du capitalisme et du progrès technique, la modernité »

Nous sommes appelés non pas à restaurer, mais à renaitre en osant un saut qualitatif qui n’a rien d’une sauvegarde, c’est une prise de risques. Dans cette dynamique l’Europe bénéficie d’un atout : le nécessaire œcuménisme qu’elle sait pratiquer et qui s’appuie sur la laïcité, cette protection de la religion par l’Etat.

Un propos très politique qui a posé un équilibre : chrétiens, nous sommes conviés à cheminer tous ensemble dans l’Eglise, ce synode. Citoyens, l’Eglise nous parle, et très concrètement, de l’Europe et du monde.

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Philippe Segretain, membre du CA des SSF

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