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Tout le problème de la violence se résume, selon ce docteur en philosophie, en une question : « Comment gérer la peur de l’autre ? » De cet autre qui met en danger notre instinct de conservation parce qu’il est différent. La réponse apportée par des philosophes comme Thomas Hobbes, John Lock ou Jean-Jacques Rousseau est le contrat social. C’est le moyen, pour Bernard Ibal, « de sortir de cet état où l’homme est un loup pour l’homme ».
Mais qui dit contrat social dit aliénation de la liberté puisque « quiconque se refusera à obéir à la volonté générale fixée par ce contrat y sera contraint par tout le corps », explique le philosophe.
Les 17 articles de la déclaration des droits de l’Homme de 1789 s’apparentent ainsi, d’après Bernard Ibal, à une charte sociale. Elle s’articule autour de son article 4 : « La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ainsi l’exercice naturel des droits de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. »
A travers ce contrat social, le respect de l’autre est présenté comme une entrave à sa propre liberté individuelle. Ce type de contrat régule donc la violence mais ne l’abolit pas. La frustration qui en découle nourrit en effet une rancœur pour l’autre et donc une tentation vers la violence.
Pour dépasser cet état, Bernard Ibal propose de développer dans notre société le concept de « fraternité responsable ». Pour lutter contre la violence, inutile d’imposer des règles que l’individu ne cherchera qu’à transgresser. Il vaut mieux l’inciter à s’ouvrir sur l’autre à travers une vraie fraternité, synonyme « d’amour de l’autre en tant qu’autre ». Le respect de l’altérité de l’autre n’est plus alors frustration mais gage de liberté. Le philosophe préconise comme remède à la violence une fraternité où l’individu serait responsable de son prochain à qui il reconnaîtrait une dignité sacrée, même si ce dernier a commis des actes totalement indignes.
Cette fraternité responsable s’assimile selon le vice-président des semaines sociales au droit d’ingérence humanitaire. Pour venir à bout de la violence dans le monde, l’homme doit se donner le devoir d’aider l’autre qui est en difficulté.
Dans cette optique, le philosophe rêve d’un article 4 de la déclaration des droits de l’Homme sensiblement modifié : « La liberté de tous commence quand chacun se sent responsable de lui-même et des autres ».
Débat
A la fin de l’intervention de Bernard Ibal, Agnès Rochefort-Turquin et Jean-Pierre Rosa, qui ont la charge de synthétiser les questions de l’auditoire, soulignent avec amusement que « le public attentif et surtout subjugué par cette brillante démonstration n’a transmis que peu de questions ». Emèrgent cependant des interrogations sur le caractère un peu utopique d’un tel contrat. Ce que reconnaît sans difficulté le philosophe qui s’empresse d’ajouter que c’est à prendre « dans un sens très positif ». C’est en effet à travers la présentation de telles utopies que l’on dirige la société vers un nouveau système de valeurs.
C’est finalement Michel Camdessus qui a pris le micro pour présenter les conclusions qu’il a tiré de ces trois jours consacrés à l’étude de la violence. Chaleureusement applaudi par les nombreuses de personnes réunies au palais des congrès d’Issy-les-Moulineaux, le président des Semaines sociales de France a souligné que «la violence reste une véritable énigme» que l’on ne saurait résoudre en trois jours de débats. Ces 77e semaines sociales auront malgré tout permis de préciser ce qu’est «cette violence de l’injustice économique», «cette violence faite aux 60 millions d’exclus en Europe» et désormais aussi «cette violence de l’hyper-terrorisme».
L’ancien directeur du Fonds monétaire international a tenu plus particulièrement à rendre hommage à tous ces hommes et ces femmes « qui pratiquent avec un courage stupéfiant et sans tapage » des actes généreux pour faire reculer cette violence. Et de souligner que beaucoup des ces bénévoles qui détiennent « l’antidote à la violence » étaient présents dans la salle tout au long de ces trois jours.
Michel Camdessus a conclu son intervention en donnant rendez-vous à son auditoire l’année prochaine pour discuter d’un vaste sujet : l’argent.
Amélie Amilhau
Etudiante au Centre de Formation des Journalistes
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