La tribune : Indice de Position social, un outil contestable et critiquable
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Régulièrement les Semaines sociales de France proposent un voyage apprenant principalement au cœur des institutions européennes pour comprendre, échanger ensemble et avec les députés européens mais également en France dans des quartiers.
Les principes de la pensée sociale de l'Église sont tous orientés vers le respect et la promotion de la dignité humaine. La dignité procède du fait que toute personne est créée à l'image de Dieu et qu'elle est appelée au salut.
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Dossier Rencontres anuelles
Bienvenue à tous nos amis en ce mois de novembre 1995, pour la 70e session des Semaines Sociales de France consacrée à » Une idée neuve, la famille : lieu d’amour et lien social « .
En préface à nos travaux, je voudrais rappeler où en sont les Semaines Sociales, puisque j’ai l’honneur, la responsabilité et le plaisir de présider pour la première fois à vos travaux.
Alors que tant d’institutions et de mouvements traversent des crises difficiles, la nôtre paraît défier le temps. Nées en 1904, les Semaines Sociales de France ont certes connu des éclipses : pendant les deux guerres mondiales, puis à la fin des années 70 et au début des années 80. Depuis, la machine est repartie de l’avant sous l’impulsion d’une équipe remarquable animée par Jean Gélamur, auquel je succède mais qui a accepté de rester avec nous pour nous aider de tout son cœur et de toute son intelligence. Merci à lui, en votre nom à tous.
Certes les animateurs sont pour quelque chose dans le dynamisme de notre organisation. Comment ne pas rappeler, en cette année où il nous a quittés pour la maison du Père, notre ami Alain Barrère qui avait succédé à Charles Flory en 1960 et qui avait présidé à quelques-unes des sessions les plus réussies des Semaines Sociales, notamment à Lyon, en 1964, avec un record absolu de 5.400 participants ? Mais aucune institution ne survit longtemps à l’effacement des besoins qui la justifient. Si les Semaines Sociales ont pu renaître depuis 1987 et si vous êtes nombreux aujourd’hui, c’est qu’elles répondent à des besoins dans notre société présente. Quels besoins ? J’en vois trois : un besoin de rassemblement ; un besoin de mémoire ; un besoin de sens et de règles d’action. Rassemblement de chrétiens engagés dans des actions sociales de toutes natures, car nous ne pouvons pas exister sans un lieu où nous nous reconnaissons les uns les autres (c’est aussi l’une des fonctions de la famille). Mémoire, c’est-à-dire histoire : nous ne venons pas du néant, nous n’allons pas n’importe où ; ce que nous faisons a une direction. C’est même l’une des deux composantes du mot » sens « , l’autre étant la signification de notre action.
Dans notre époque où, tout à la fois, nous répugnons à l’engagement irréversible et où nous recherchons un sens à notre vie, où nous voulons préserver notre identité tout en nous lavant des taches du narcissisme, les Semaines Sociales se révèlent bien accordées à notre modernité : elles ne constituent pas un mouvement, ne s’inscrivant dans aucune hiérarchie – ecclésiale ou politique ; elles offrent une structure ouverte à ceux qui souhaitent réfléchir en chrétiens sur la société qui nous entoure, la comprendre, y agir avec efficacité, dans la fidélité à quelques principes qui fondent toutes leurs actions. » Université populaire itinérante » a-t-on dit autrefois des Semaines Sociales. Pourquoi pas ? Université, parce qu’il ne s’agit pas de simples colloques où l’on confronte des points de vue contradictoires, mais d’un lieu où l’on déchiffre la vie sociale à partir d’un système de valeurs fondé sur le christianisme. Populaire, parce que l’on ne s’adresse pas à une petite élite intellectuelle, mais à la grande opinion publique, dans un langage intelligible pour tous. Itinérante, à nouveau, demain, si nous en avons les moyens, ce qui ne nous empêcherait pas de nous retrouver à intervalles réguliers dans ce Palais des Congrès d’Issy-les-Moulineaux, accueillant et pratique.
Faire des Semaines Sociales de France un des foyers de réflexion et d’action pour entrer, autrement qu’à reculons, dans le nouveau millénaire – le troisième, seulement, depuis la naissance de Jésus de Nazareth – telle est notre ambition. Vous trouverez dans le questionnaire qui vous a été remis avec votre dossier des informations et des sollicitations concernant nos prochaines étapes. Tout d’abord, nous souhaitons revenir au rythme annuel des sessions, afin de renforcer notre présence dans l’opinion et d’offrir à ceux qui participent à nos travaux des occasions de rencontre plus fréquentes. Le siècle qui s’achève – l’un des plus meurtriers et, en même temps, des plus fascinants depuis l’origine de l’humanité – lègue au XXIe siècle des sociétés effervescentes qui risquent d’énerver l’humanité et d’exténuer la nature, au-delà du supportable. Ce sera la mission des générations nées dans la deuxième partie du XXe siècle que de canaliser cet énervement et de limiter cet épuisement sans perdre la créativité de notre époque. Ce ne sont donc pas les sujets qui manquent pour les Semaines Sociales de France. Au tournant des XIXe-XXe siècles, on disait de Vienne que cette ville était le laboratoire de la fin d’un monde. Aujourd’hui peut-être faut-il dire que New-York ou Shangaï sont les laboratoires d’un monde nouveau. Mais celui-ci reste à construire. D’ores et déjà, le Conseil de notre organisation a décidé de consacrer la prochaine session aux risques de contradiction entre le phénomène de mondialisation et la recherche de l’identité nationale ; nous devrons nous interroger sur le sens nouveau que pourrait prendre la construction de l’union européenne dans ce contexte. On ne fera plus l’Europe pour réconcilier l’Allemagne et la France ou pour faire barrage au communisme. On la fera – ou non – pour surmonter les risques de contradiction entre la mondialisation économique et la fragmentation politique. Et pour que New-York et Shangaï ne soient pas les seuls laboratoires d’un monde nouveau. Nous voudrions organiser une session sur ce thème dès 1996, si nous en avons les moyens. Je lance ici un appel pour que tous ceux qui voudraient nous aider dans cette tâche se fassent connaître au Secrétariat des Semaines Sociales ; nous avons besoin de têtes, de bras et de sous.
Au-delà, nous vous soumettons plusieurs thèmes possibles des Semaines Sociales, sur lesquels nous avons commencé à réfléchir : la lutte contre l’exclusion, les nouvelles formes de démocratie en rapport avec les phénomènes d’opinion, le fonctionnement de sociétés devenues multiculturelles, les nouveaux objectifs et le nouveau langage du christianisme social à l’aube du XXIe siècle. Nous n’oublions pas, en effet, les leçons de nos aînés. Nous n’avons pas seulement à méditer et à diffuser un enseignement social chrétien préexistant. Nous avons, aussi, à proposer des matériaux pour poursuivre la construction de cet enseignement qui ne peut pas rester immuable. Mais cela ne se décrète pas. Cela se mérite. Aurons-nous un avenir digne de notre passé ? Cela dépend de nous tous.
Autant dire que la pérennité des Semaines Sociales de France, elle aussi, doit se mériter. Elle ne sera acquise que si nous faisons preuve d’imagination dans le choix de notre langage (nous avons beaucoup à faire en ce domaine, à l’âge de l’image et du multimédia), de pertinence dans le choix de nos thèmes de session, de dynamisme et d’efficacité dans notre organisation. Rien de tout cela n’est définitivement acquis. Nous avons besoin de vous pour avancer plus vite et mieux. Et cela, dès aujourd’hui, avec la présente session consacrée à la famille.
Ce n’est certes pas la première fois que les Semaines Sociales s’en préoccupent. La famille est même l’un des thèmes qui revient le plus souvent à l’ordre du jour des sessions : 1906, Dijon : » Famille, profession et cité » ; 1912, Limoges : » Famille et mœurs contemporaines » ; 1920, Caen : » La crise de la production et ses relations avec la natalité et la protection de la famille » ; 1923, Grenoble : » Le problème de la population » ; 1957, Bordeaux : » Famille aujourd’hui » ; 1972, Metz : » Couples et familles dans la société d’aujourd’hui « . Mais depuis 1972, que de changements : un tiers de mariages en moins, trois fois plus de divorces, 33% d’enfants nés hors-mariage contre 7% il y a vingt ans, un taux de fécondité en baisse d’un quart … Pour ne parler que des chiffres. Dans le même temps, la famille occupe la première place au hit-parade des relations sociales. Elle joue un rôle décisif comme base arrière du combat social : jamais notre société n’aurait résisté au choc de trois millions de chômeurs si elle n’avait pas eu la défense immunitaire de ses cellules familiales.
Nous allons voir ensemble comment ces cellules n’ont jamais cessé d’évoluer et qu’il n’y a pas une seule image de référence de la famille ; nous nous demanderons pourquoi tant de couples hésitent à se marier ; ce qui signifie aujourd’hui le désir d’enfant et son éducation ; ce qu’est la famille comme lieu de vie ; comment se concilie – ou non – l’activité professionnelle de deux époux avec les responsabilités à l’égard des enfants ; ce qu’il advient du droit de la famille et de la politique familiale (sujet brûlant d’actualité) et enfin, de façon plus explicite – car la référence chrétienne ne saurait être absente d’aucune de nos réflexions – ce que le christianisme apporte à la famille et ce que celle-ci apporte à la construction du lien social.
Car tel est bien, à notre époque, le fil rouge qui relie tous les sujets de préoccupation que nous avons brièvement évoqués : l’avenir du lien social qui fait que des personnes veulent vivre ensemble dans une structure organisée ou y consentent. C’est l’existence même de ce lien social qui est en cause quand la famille ne remplit pas ses missions, quand la mondialisation se heurte avec des identités nationales, quand des cultures différentes n’arrivent pas à cohabiter dans un même ensemble, quand des individus se sentent perdus ou exclus, quand la démocratie perd ses références sous le choc de la marée des opinions … Avant-hier, les Semaines Sociales avaient voulu démontrer que le chrétien ne pouvait pas vivre à l’écart de la société ; hier, qu’il devait s’engager dans la vie politique et économique ; aujourd’hui, les Semaines Sociales nous rappellent que l’existence du lien social dépend aussi de nous. A la fin du XIXe siècle, la question sociale, c’était la place de la classe ouvrière. Au début du XXe siècle, ce furent la construction de la paix, la défense de la démocratie menacée par les totalitarismes, puis les problèmes du développement économique, dans les pays industrialisés et dans le Tiers-Monde. Aujourd’hui se pose une nouvelle question sociale : celle de l’existence même du lien social, cette ceinture invisible et complexe qui transforme un agrégat d’individus en communauté de personnes liées entre elles par des relations croisées et même par des conflits, que ce soit dans la famille, le peuple, la nation, l’Église ou de nouvelles formes de société.
Désormais, notre terre de mission n’est plus un pays lointain ou une classe sociale exilée dans son propre pays, comme l’a été la classe ouvrière. Notre terre de mission, c’est nous.
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