Faire société ou l’éloge du débat

Photo © CIRIC – Corinne Simon

Devons-nous refaire société ? Comme s’il y avait eu un âge d’or où tous les Français auraient vécu une authentique fraternité, sans divisions, sans inégalités, sans exclusion ? Faire société, plutôt, apprendre à vivre ensemble dans un pays de plus en plus pluriel et multiculturel, où les inégalités perdurent, où les médiations traditionnelles ont perdu de leur influence : les syndicats, les partis politiques, les communautés chrétiennes, la famille. Pendant deux jours, quelque 800 personnes ont travaillé sur cette question dans les locaux de la Catho de Lille, à l’invitation des Semaines sociales de France. Outre les temps de réflexion, il leur fut donné de rencontrer de nombreux acteurs qui, dans tous les domaines de la vie, travaillent à créer des liens entre les personnes, notamment les plus fragiles ou les plus pauvres, à ouvrir des lieux où les accueillir.

« Les lignes de fracture sont nombreuses en France et elles ne datent pas d’hier : entre riches et pauvres, éduqués et sans diplôme, Français « de souche » et immigrés… »

Le mouvement des Gilets jaunes, qui fêtaient leur premier anniversaire ce même week-end, a mis le projecteur sur des oppositions territoriales, peut-être alors mal mesurées, entre centre ville et banlieue, grandes métropoles et monde rural… Outre la fragmentation dont parle Jérôme Fourquet dans son ouvrage l’Archipel français, il est apparu qu’au sein de ces différents îlots, on se mélange de moins en moins, on ne laisse pas entrer la disparité, on reste dans l’entre-soi.

Plusieurs pistes ont été évoquées : celle d’un indispensable débat, un débat cordial, qui part du cœur, avec les autres, un débat ouvert à l’altérité. Avec leurs mots qui font mouche, les acteurs de la pièce présentée par l’association Magdala, femmes et hommes qui ont connu la rue, ont lancé une même invitation : Ayons, a dit l’un d’entre eux, « le goût de la différence de l’autre », pas seulement le goût des autres, mais le désir de rencontrer celui qui ne nous ressemble pas, qui ne pense pas comme nous, qui ne croit pas comme nous.

« pour mieux faire société, il importe de partir des plus fragiles, des plus démunis »

Deuxième conviction, en relation avec l’option préférentielle des pauvres, chère à la pensée sociale de l’Eglise : pour mieux faire société, il importe de partir des plus fragiles, des plus démunis ; chercher avec eux les solutions : car si ça marche pour eux, cela marchera pour tout le monde ! Principe cardinal qui rejoint celui de la subsidiarité. Notre société, notre démocratie, doit permettre la participation de tous, l’expression de tous, en respectant la singularité de chacun mais en ayant toujours pour horizon le souci du collectif et du bien des autres. Une leçon pour les politiques qui nous gouvernent – et toutes les élites – que cette nécessité d’apprendre à écouter, d’apprendre à débattre, de former les citoyens à cette écoute et au débat. Afin qu’au bout de la délibération collective, celui à qui a été confié le pouvoir (par les urnes par exemple) tranche et décide. Cette interpellation, au terme d’une année où nous continuerons à creuser la thématique, nous la lancerons à des responsables politiques, économiques, religieux. Ce sera à Versailles, les 28 et 29 novembre.

« Le diagnostic fut sombre. Il n’a pas occulté la souffrance des pauvres et celle de la Terre, alors que la communauté internationale n’arrive pas à s’unir pour répondre efficacement à l’urgence climatique. »

Il a évoqué les fossés qui se creusent dans notre pays, la tentation de la violence chez ceux qui ont le sentiment d’être méprisés, les risques du populisme… Il y eut effort de lucidité, mais aussi refus de baisser les bras. Le responsable politique, Xavier Bertrand, comme l’évêque, Mgr Ulrich, invités à une même table-ronde, tombèrent d’accord pour encourager les participants à continuer à s’engager. Il n’est jamais trop tard. Ne pensons pas que tout est écrit ; croyons que de tout ce chaos, naîtront de nouveaux commencements, de l’inattendu, de l’imprévisible.

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Dominique Quinio, présidente des Semaines sociales de France

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