Dossier Rencontres anuelles

Le regard de la société civile

Vendredi 2 Octobre 2015 – Religions et cultures, ressources pour imaginer le monde – 90ème session

Avec Patrick Viveret, philosophe et essayiste altermondialiste.Présidente de séance : Christiane Basset, membre du conseil des SSF

Les nouvelles responsabilités de la société civile mondiale

L’émergence de ce qui n’est pas seulement la société civile mondiale, mais qu’on pourrait appeler la société civique mondiale, s’est construite sur une résistance à cet état gazeux dont Pascal Lamy nous a parlé. Cet état est celui de la domination d’une oligarchie financière qui réduit la « valeur » à son sens monétaire, value for money, loin de son sens latin de « force de vie ». Quand seules les activités humaines qui s’expriment sur le plan monétaire sont considérées comme valeur, toutes les autres activités – aussi utiles, bénéfiques, voire vitales soient-elles – sont sans valeur du point de vue économique. Cette organisation, qui a l’avantage d’être mondiale du fait de la globalisation des marchés financiers, se traduit par une démesure spéculative, parfois dénoncée par ses propres acteurs. Georges Soros lui-même considère que les produits dérivés sont « des armes de destruction massive », du fait qu’ils représentent entre 700 000 et 800 000 milliards de dollars, soit 10 fois plus que la richesse mondiale. Pour reprendre un chiffre donné par un ancien responsable de la banque centrale de Belgique, Bernard Lietaer, quand les flux financiers quotidiens correspondent pour 98 % à des flux spéculatifs et que les biens et services ne représentent que 2 %, ce n’est plus un état gazeux, mais un état de gazage. Les effets destructeurs sur les liens sociaux, culturels et spirituels des sociétés deviennent considérables, y compris sur le plan écologique.

Un des enjeux de la COP21 porte sur la question du financement. Rappelons que l’évasion fiscale représente au bas mot 20 000 milliards de dollars alors que n’ont été réunis que 20 milliards sur les 100 milliards annuels nécessaires. L’ancien chef économique du cabinet Mc Kinsay – qui n’est pas un alternatif – évaluait les transactions dans les paradis fiscaux entre 22 et 32 000 milliards de dollars. C’est en réaction à cette situation qu’une société civile, puis civique, mondiale a émergé.

C’est à partir du sommet de Rio, en 1999, et des forums organisés en lien avec les sommets des Nations unies que la société civile mondiale va commencer à s’organiser et à construire une parole autour de grands sujets sectoriels. À Rio 92, c’était les enjeux écologiques, à Copenhague, le sommet social, à Pékin, le droit des femmes, à Istanbul, l’habitat. Les différents acteurs de cette société civile se sont progressivement rendu compte que, derrière les aspects thématiques, se dressait un enjeu global.

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