Dialogue autour de « l’encyclique verte »

Dimanche 4 Octobre 2015 – Religions et cultures, ressources pour imaginer le monde – 90ème session.

Avec le Cardinal Laurent Monsengwo, archevêque de Kinshasa, membre du conseil des 9 cardinaux du Pape François et Yannick Jadot, député européen écologiste. Président de séance : François Ernenwein, rédacteur en chef à La Croix

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Cardinal Laurent Monsengwo : Le pape François, dans sa lettre encyclique Laudato si’, offre un regard de croyant sur le cosmos en vue de « la sauvegarde de la maison commune ». C’est du Cantique des créatures de saint François d’Assise qu’il emprunte les mots pour dire l’ordre créé, où il voit la terre « aussi comme une sœur, avec laquelle nous partageons l’existence, et comme une mère, belle, qui nous accueille à bras ouverts » (n.1).

Chapitre 1 – Un constat : le cri de la Terre

Le constat du pape nous livre un tableau cru, aux images fortes, d’une terre, mère et sœur, abusée et violentée, défigurée et malade, avec pour conséquence que toute la création « gémit en travail d’enfantement » (Rm 8, 22) d’une terre nouvelle et d’un ciel nouveau. Conscient du caractère antithétique de propositions qui, d’une part, disculpent l’être humain de tout ce qui se produit sur la Terre grâce à la seule technique, et, d’autre part, l’accable de tous les maux, le Saint-Père pense que « la réflexion devrait identifier de possibles scénarios futurs, parce qu’il n’y a pas une seule issue », afin d’instaurer « un dialogue en vue de réponses intégrales » (n.60).

Chapitre 2 – Aux sources de la Bible et de la tradition judéo-chrétienne

Comment organiser ce dialogue de « toutes les personnes de bonne volonté » avec une « référence à des convictions de foi ? » (n.62). Selon le Saint-Père, une telle référence est possible car « la science et la religion, qui proposent des approches différentes de la réalité, peuvent entrer en dialogue intense et fécond pour toutes deux » (n.62). Puisant alors dans les ressources de la Bible et de la tradition judéo-chrétienne, il propose de « grandes motivations pour la protection de la nature et des frères et sœurs les plus fragiles » (n.64). Dieu, en effet, est le propriétaire de la terre, donnée aux humains pour la « cultiver » et la « garder » (cf. Gn 2,15 ; cf. n.89). Il s’ensuit que nous sommes appelés à « respecter les lois de la nature et les délicats équilibres entre les êtres de ce monde » (n.68), à garder à l’esprit que chaque être créé a une valeur propre devant Dieu (cf. n.69), pour que l’être humain ne s’érige pas en maître et dominateur de la création. Celle-ci porte en elle-même un projet d’amour de Dieu. Elle est donc ouverte à la transcendance. L’être humain est certes à l’image et à la ressemblance de Dieu, mais « l’ensemble de l’univers, avec ses relations multiples, révèle mieux l’inépuisable richesse de Dieu » (n.86). La terre devient ainsi, pour tous, croyants et non-croyants, un bien commun, « patrimoine de toute l’humanité, sous la responsabilité de tous » (n.95). Les chrétiens considèrent quant à eux que « tout est créé par Lui et pour Lui » (Col 1,16 ; n.99).

Chapitre 3 – La racine humaine de la crise

Le Saint-Père nous dit que la racine de la crise écologique est humaine. Elle prend sa source d’une part dans la technologie, « parce que l’immense progrès technologique n’a pas été accompagné d’un développement de l’être humain en responsabilité, en valeurs, en conscience » (n.105). D’autre part, dans l’assomption de cette « technologie et son développement avec un paradigme homogène et unidimensionnel » de la techno-science où l’être humain a oublié la « réalité même de ce qu’il a devant lui » (nn.106 ; 107). Le pape fait remarquer qu’« il est possible d’élargir de nouveau le regard, et la liberté humaine est capable de limiter la technique, de l’orienter, comme de la mettre au service d’un autre type de progrès, plus sain, plus humain, plus social, plus intégral » (n.112). Pour ce faire, « il y a une grande démesure anthropocentrique » à corriger : la seigneurie de l’être humain est celle de « l’administrateur responsable » (n.116). Car « la crise écologique est l’éclosion ou une manifestation extérieure de la crise éthique, culturelle et spirituelle de la modernité » (n.119). Tout étant lié, la relation avec l’environnement trouve sa juste place dans la relation de l’être humain avec Dieu et avec les autres personnes (n.119).

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