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Dossier La Tribune du Christianisme social
Les événements tragiques survenus la semaine dernière à Annecy nous ont plongés dans l’effroi, la stupeur, l’incompréhension. Il est bien sûr impossible, à ce stade, d’élucider les motivations de l’agresseur, mais ces faits ont une nouvelle fois pointé les feux de l’actualité sur la problématique de la santé mentale des populations migrantes. En effet, d’après l’Organisation internationale pour les migrations, il y avait environ 272 millions de migrants internationaux dans le monde en 2020, un chiffre en constante augmentation. Or, plusieurs études menées par des experts en santé publique ont montré que la prévalence de certains troubles psychiatriques est plus élevée dans les populations migrantes qu’en population générale: par exemple, une vaste étude menée sur plus de 15 000 migrants a permis d’établir que 31% d’entre eux étaient atteints de trouble de stress post-traumatique (un trouble qui survient suite à la confrontation avec une situation traumatique -la prévalence est de 5 à 12% en population générale-) et que 25% étaient atteints de dépression majeure (contre 15-20% en population générale). Par ailleurs, d’autres études ont évalué que le risque de psychose est de l’ordre de 2.9% dans la population migrante, contre 1% en population générale . Est-ce que cela signifie que ces populations sont naturellement plus touchées par ces pathologies ? Il n’en est rien. Ces chiffres spectaculaires sont à mettre en relation avec les facteurs qui ont poussé les personnes à entreprendre ce parcours si difficile de migration. En effet, elles ont fréquemment été témoins ou victimes de violences liées à la guerre ou à des institutions, un stress connu pour augmenter directement l’incidence de pathologies comme la dépression ou le trouble de stress post-traumatique. Par ailleurs, il est connu que la transplantation géographique multiplie par 3 le risque de psychose. Ces facteurs surviennent avant l’arrivée des personnes migrantes dans leur pays d’accueil et sont liées à leur parcours de migration. A leur arrivée, d’autres facteurs viennent aggraver les risques de troubles mentaux comme par exemple le stress lié à la difficulté d’intégration, le chômage, les changements fréquents de lieux, la perte du tissu relationnel (amis, famille), le rejet, la rupture du parcours de soin pour ceux qui étaient pris en charge avant leur départ.
Que faire alors ?
Deux leviers d’action sont faciles à mettre en œuvre. Le premier consiste à offrir aux personnes migrantes un cercle relationnel dense, amical, stable. En effet, l’absence de ce cercle est psychopathogène. Il s’agit de tendre la main à ces personnes pour leur permettre d’avoir des relations sociales en dehors de celles qu’ils ont avec des professionnels de l’action sociale, ce qui est déterminant pour leur intégration. Plusieurs associations proposent des dispositifs dans ce sens. Un autre levier consiste à favoriser davantage l’accompagnement institutionnel des personnes migrantes en leur fournissant des informations sur leurs droits aux prestations sociales en matière de santé (il serait nécessaire de recruter davantage d’interprètes), afin d’assurer la continuité des soins pour ceux qui avaient une prise en charge pour des troubles psychiatriques. Bien sûr, ces actions ne permettront que de diminuer les risques de passage à l’acte, et non pas d’obtenir un risque zéro. Les risques toujours présents sont indépendants du statut ou de la nationalité de l’agresseur.
Catherine Belzung, administratrice SSF
Coordinatrice Chaire UNESCO en maltraitance infantile
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