Gagnants et perdants d’un « No Deal »

Certains pensent – la majorité – qu’ en cas d’absence d’accord de sortie de l’UE, le Royaume-Uni sera le grand perdant. En effet, en termes de couts-bénéfices, le Royaume-Uni à plus à perdre car il dépend davantage des pays européens que ceux-ci ne dépendent de l’Europe.

Économiquement, le dé-tricotage des liens économiques entre les deux entités risque de pénaliser donc davantage le Royaume-Uni car même si beaucoup d’entreprises ont commencé à anticiper un No Deal, les relations sont tellement imbriquées que le couperet de la fin mars risque de faire très mal. Et bien plus pour celui qui, à terme, a le plus à y perdre.

Inversement, d’autres estiment que l’importance économique et stratégique du Royaume-Uni est telle que l’UE sera lourdement et brutalement amputée d’un partenaire de premier plan. Et comme le No Deal produira un chaos dont l’importance et la sortie seront imprévisibles, ce seront les plus fragiles et les plus étroitement liés à la Grande-Bretagne qui en subiront les tout premiers effets, avec des réactions en chaîne négatives pour l’ensemble de Union. Les deux points de vue sont défendables et d’ailleurs complémentaires. Les économistes ont affûté leurs analyses du strict point de vue des implications économiques – et en conséquence sociales – des décisions prises.

« Quel est l’état de l’opinion par rapport au Brexit ? »

Mais on peut poser la question non pas en termes de gains ou de pertes mais de vision et d’impact sur l’opinion : Quel est l’état de l’opinion par rapport au Brexit ? L’opinion européenne s’entend. Les pro-européens, – mis à part les hyper spécialistes, sont, dans leur très grande majorité pour que la sortie de la Grande-Bretagne se fasse certes sans trop de casse mais surtout sans concession. Ils n’oublient pas que c’est Margaret Thatcher qui a contribué à promouvoir une Europe néo-libérale, puissante peut-être, mais sourdre aux inégalités au sein de laquelle nous sommes aujourd’hui englués. La sortie de la Grande-Bretagne est donc vue comme l’occasion d’une reprise en mains du destin de l’Europe par les peuples qui la composent. Quant aux tenants de sorties tous azimuts, ils observent avec un peu d’inquiétude ce qui se joue et voient bien que si une sortie réelle et sans conditions est maintenue par les Européens, avec toutes les conséquences que l’on sait, c’est leur propre position qui risque de devoir être revue. Non l’Europe ne se fait pas contre les peuples. Et d’ailleurs, qu’on le veuille ou non, nous sommes tous embarqués. Si bien que toute « sortie » se révèle être une très mauvaise affaire pour tous.

« cette sortie de l’Union est un acte historique »

Au moment où les tentations de « trouver un compromis » sont fortes, il importe de rappeler que cette sortie de l’Union est un acte historique – le premier du genre, et que, la façon dont il sera traité et les leçons qui en seront tirées seront le socle de la poursuite du projet européen. Si l’Europe choisit cette sortie comme une chance pour se redéfinir comme entité et comme projet, elle a encore un avenir, sinon, il ne faut pas se faire d’illusion : les sorties se multiplieront et l’Europe finira d’imploser.

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Jean-Pierre Rosa, rédacteur des SSF

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