Le contenu des Droits économiques, sociaux et culturels s’est précisé au cours des 70 dernières années et leur mise en œuvre dépend des conditions politiques et économiques qui prévalent dans chaque pays ainsi que du comportement de chacun. Exemple du droit à la santé.
La Charte de l’ONU, 1945, ne mentionne qu’au paragraphe 62 la santé (alinéa 1) et les droits humains (alinéa 2). Et, encore, ne s’agit-il que de demander au Conseil économique et social d’initier des études et de faire des recommandations relatives à la santé et à la promotion des droits humains pour tous.
Le travail sur les Droits humains va vite sous l’impulsion d’Eleanor ROOSEVELT et de René CASSIN si bien que la Déclaration universelle des droits de l’homme, DUDH, est adoptée dès 1948. Celle-ci stipule en son article 25 que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille ». La Déclaration ouvre aussi un droit à « la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité».
La DUDH a eu un impact considérable, mais elle reste une déclaration qui n’oblige pas les Etats. Le Pacte International sur les Droits économiques, sociaux et culturels, PIDESC, adopté en 1966, stipule en son article 12 que les Etats parties « reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre » et fixe quatre priorités : diminuer la mortinatalité et la mortalité infantile ; améliorer l’hygiène du milieu et l’hygiène industrielle; prévenir et traiter les maladies épidémiques, endémiques et professionnelles ; créer des conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie.
Le PIDESC définit les obligations des Etats en terme très généraux. Les « Observations générales[1] » vont en interpréter les dispositions et détailler les obligations des Etats ainsi que les rapports qu’il doivent soumettre aux « organes des traités[2] » compétents. Les Observations générales, bien que formellement non contraignantes, font autorité devant les cours de justice. L’Observation Générale No14 concernant « le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint [3]» a été adoptée par le Comité des DESC en août 2000.
« L’Observation 14 indique que le droit à la santé est constitué de libertés – celles de contrôler son propre corps y compris en matière sexuelle ou génésique, de ne pas être soumis à la torture ni, sans son consentement, à des expériences médicales – et du droit d’accès à un système de santé qui intègre les installations sanitaires, médicaments et services médicaux nécessaires compte tenu des ressources dont dispose l’Etat. »
Au delà, sa réalisation est déterminée par l’accès à l’eau potable et à des moyens adéquats d’assainissement, par l’accès à une quantité suffisante d’aliments sains, par le logement, les conditions de travail et l’environnement, par l’accès à l’éducation et à l’information relatives à la santé. Le fait que la santé dépende de nombreux facteurs impose que l’Etat ait des politiques cohérentes et qu’il privilégie l’action préventive sur les soins curatifs coûteux qui, souvent, « ne sont accessibles qu’à une frange fortunée de la population» (8 -19) [4].
Les obligations des Etats s’organisent autour de trois verbes : respecter, protéger, mettre en œuvre.
Respecter c’est refuser toute discrimination entre les personnes et donc ne pas restreindre l’accès aux soins aux détenus, aux membres des minorités, aux femmes, aux demandeurs d’asile et aux immigrés ; c’est aussi s’abstenir d’entraver l’accès aux moyens de contraception ou aux médecines curatives traditionnelles (34). Protéger, c’est notamment veiller à ce que la privatisation des soins de santé n’hypothèque pas la disponibilité, l’accessibilité et l’acceptabilité des soins ; c’est aussi empêcher que des tiers imposent aux femmes des pratiques traditionnelles mutilantes (35). Mettre en œuvre, outre faire fonctionner dispensaires et hôpitaux, c’est exécuter un programme de vaccinations, instituer un système d’assurance santé abordable pour tous, avoir des politiques pour éliminer la pollution de l’air, de l’eau et des sols ; c’est aussi informer.(36-37)
Les épidémies ignorent les frontières – les Etats ont donc aussi des obligations internationales : apporter aide et secours en cas de nécessité ou de catastrophe, respecter les Règlements sanitaires internationaux édictés par l’Organisation mondiale de la santé, OMS, ou les conventions qu’elle a fait adopter comme celle sur le tabac qui vise à réduire la demande et contrôler l’offre, s’interdire de faire pression sur un pays par un embargo sur les médicaments et le matériel médical (41). En réaction aux politiques de privatisation, l’Observation générale 14 demande aussi aux États membres des institutions financières internationales, de porter une plus grande attention à la protection du droit à la santé et infléchir dans ce sens la politique de prêt et les accords de crédit de ces institutions (39).
De façon assez exceptionnelle dans les textes onusiens relatifs aux droits de l’Homme, l’Observation générale 14 souligne la responsabilité de tous dans la réalisation des droits (42).
Cette responsabilité citoyenne est d’autant plus pertinente que les comportements et les choix de chacun à titre individuel et comme acteur économique ou social affectent le volume et la nature de la demande de services de santé et ont donc un impact sur les politiques publiques, les coûts et les solidarités nationales et internationales.
- « General comments » en anglais
- Les organes des traités sont des comités d’experts indépendants qui surveillent la mise en œuvre des pactes et conventions relatives aux droits de l’homme adoptés dans le cadre de l’ONU.
- www.obervationgenerale14
- Les chiffres entre parenthèse renvoient aux articles de l’Observation générale 14