Inégalités, fraternité

La crise sanitaire inédite que nous vivons est un terrible révélateur des inégalités sociales et culturelles persistantes dans notre pays. Malgré les amortisseurs que sont les systèmes de protection sociale, importants et sans aucun doute plus efficaces que dans bien d’autres pays, le Covid 19 ne frappe pas à égalité dans la population.

Sur le plan médical, d’abord, où sont prioritairement menacés les plus âgés, mais aussi les patients souffrant déjà de graves pathologies A cette injustice de santé, que répondre, sinon veiller sur ces personnes et les protéger au maximum.

Mais l’on voit aussi que les personnes en situation précaire, comme les sans abri, sont particulièrement touchées : peut-on se contenter d’invoquer la fatalité ? En outre, on le mesure, les mesures indispensables mises en place pour éviter la propagation de l’épidémie ( le confinement, la fermeture des écoles…) creusent les fossés existants.

Accompagner à domicile ses enfants sur le plan scolaire quand on est soi-même peu familier des matières enseignés, quand on n’est pas équipé de matériel informatique censé prendre le relais des enseignements, est un grand défi, très pénalisant pour ces élèves mais aussi pour leurs parents qui souffrent de ne pas se sentir compétents. Ce n’est pas la même chose d’être confiné dans un petit appartement, au cœur d’un quartier bétonné, que dans une maison avec jardin. C’est plus angoissant d’être contraint au chômage partiel, que de pouvoir poursuivre sa tâche de cadre en télétravail. Que dire de l’angoisse des petits patrons ou des artisans ? Quant aux personnes âgées, dans des établissements spécialisés, privées des visites de leurs proches, on imagine leur désarroi…

Bref toutes les fractures, ici, s’expérimentent en temps réel.

La première réponse est d’abord une exigence de responsabilité individuelle. Plus nous respecterons les consignes, plus vite l’épidémie sera contenue et seront épargnés les plus fragiles, plus vite les élèves retrouveront leurs salles de classe et leurs enseignants. Vivons une fraternité paradoxale par l’isolement accepté. En manifestant des signes d’attention aux autres, par des coups de téléphone plus nombreux qu’à l’ordinaire, par la proposition de services (courses par exemple) en respectant les « barrières ». Il s’agit d’inventer de la convivialité – numérique mais aussi spirituelle -.Ou de chanter comme les Italiens à leurs fenêtres !

Mais il faudra surtout tirer des leçons de la crise, pour « faire la guerre », non plus seulement au virus, mais à la solitude dans laquelle vivent tant de nos contemporains, à nos isolements aveugles, à nos égoïsmes, à notre indifférence. Surtout – et là, la réponse doit être citoyenne, collective et politique – il nous faudra combattre avec détermination les inégalités qui défigurent notre pays.

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Dominique Quinio, présidente des SSF

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