Crise COVID19 : Et si Kairos, le Dieu de l’occasion opportune triomphait ?

Depuis 3,8 milliards d’années, les crises et catastrophes dans la biosphère se sont succédées. Elles ont toujours stimulé les forces d’adaptation et de réinvention du vivant. C’est probablement pour cela, que nous vivons une véritable métamorphose dans la manière de percevoir et de concevoir les systèmes complexes techniques et humains. Nous passons d’une domination des systèmes pyramidaux qui distribuent les solutions et les directives de haut en bas à partir d’une intelligence centrale qui concentre et conserve l’information, à des conceptions où l’intelligence et l’information sont réparties parmi les entités du système qui co-contribuent en co-élaborant les décisions et les bons comportements chemin faisant. Chaque localité optimise, ajuste, ses conditions de survie et contribue à la survie du tout dans une intrication des localités à différentes échelles.

Ce second modèle basé sur les localités contributives domine en biologie. Il démontre en ce moment avec l’expérience de la Corée du Sud, du Japon et de la ville de Prato en Toscane qu’il est de loin le plus efficace en matière de résolution de situations complexes. Or nous sommes bien face à la complexité car personne, aucun n’expert n’a les plans ni le mode d’emploi de la pandémie. Dans ces pays, c’est chaque citoyen (composant du système) qui aidé par l’accès facile aux tests et aux masques, régule son propre comportement et crée une intelligence collective qui optimise en temps réel l’équilibre entre l’équation économique et l’équation sanitaire par ajustement mutuel chemin faisant. C’est le modèle technique des voitures autonomes.

Cependant, en matière de systèmes sociaux, politiques ou économiques, plusieurs conditions sont indispensables pour que cette conception contributive soit viable et efficace. La principale est que chaque humain accepte de s’éveiller et de s’élever à la conscience éthique de l’interdépendance solidaire de l’humanité entre elle mais aussi avec la nature. Il est probable que ces virus récents issus du monde animal proviennent du peu de précautions que nous avons prises dans les désordres écologiques que nous avons créés au sein de la biosphère.

La question climatique semblait pouvoir créer les conditions de cette montée en conscience éthique. Mais il apparait que ses conséquences ne sont pas encore assez concrètes pour enclencher une véritable mutation des habitus individuels !

La crise sanitaire que nous vivons à l’échelle mondiale est un drame, un effondrement partiel. Sera-t-elle l’occasion opportune de cette disruption salutaire en stimulant le passage à une société contributive où la localité agissante pour le bien commun, la glocalisation, prendra le pas sur la globalisation ? Les démocraties représentatives vont-elles s’appuyer sur cette crise pour inventer les nouveaux modèles d’une démocratie co-elaborative ?

Ou au contraire, les visions pyramidales distributives se saisiront elles de cette crise pour se renforcer ? La solution deviendra alors le problème et les collapsologues auront eu raison.

___

Pierre Giorgini, Président recteur de l’Université Catholique de Lille

Les plus récents

Voir plus