L’engagement politique, un service

Le texte avait été écrit avant que n’éclate en France le mouvement des gilets jaunes. Et sa portée va bien au-delà des événements franco-français que nous vivons. Il n’empêche, le message du pape François pour la 52è Journée mondiale de la paix du 1er janvier, « la bonne politique est au service de la paix », rendu public le 19 décembre, résonne indéniablement avec les événements de ces dernières semaines. Citoyens et responsables politiques de toutes convictions devraient en prendre connaissance. Il s’agit d’un « programme dans lequel peuvent se retrouver tous les hommes politiques, de n’importe quelle appartenance culturelle ou religieuse, qui souhaitent œuvrer ensemble pour le bien de la famille humaine, en pratiquant ces vertus humaines qui sous-tendent le bon agir politique : la justice, l’équité, le respect réciproque, la sincérité, l’honnêteté, la fidélité », écrit le pape.

« Pour construire la paix, il faut donc mener une « bonne politique » »

Pour construire la paix, dans chaque pays, chaque continent mais aussi dans « notre maison commune » qu’est la planète, il faut donc mener une « bonne politique ». Le thème peut surprendre, quand on attendrait surtout des réflexions sur les guerres et les violences qui secouent notre monde, des analyses géopolitiques. Pourtant, le fondement de la paix passe d’abord par une bonne et juste gouvernance des nations et des peuples.

Ce soutien à un engagement politique responsable était aussi le message des évêques français à la veille des dernières élections : un plaidoyer pour redonner du sens au politique dans nos pays où toutes les institutions sont remises en cause, où n’existe plus guère de confiance entre élus et citoyens, où les corps intermédiaires ont failli ou ont été court-circuités… C’est pourquoi il est bon d’entendre aujourd’hui un tel message. La paix, ce n’est pas seulement l’absence de guerre, la prévention des conflits, le choix de la non-violence, c’est aussi la construction de sociétés capables d’organiser et de pacifier les différences, voire les oppositions, soucieuses de donner à chacun – et notamment aux jeunes générations, plaide le pape François – le sentiment qu’il est utile et écouté.

« La recherche du pouvoir à tout prix porte à des abus et à des injustices. »

Le texte met en garde contre les idéologies d’exclusion qui traversent nos pays, nourries par la peur de l’autre et la crainte de voir son quotidien mis en péril. Il dénonce les attitudes de fermeture et les nationalismes, le racisme, la xénophobie, « qui remettent en cause cette fraternité dont le monde globalisé a tant besoin ». Mais il se montre surtout exigeant à l’égard des personnes : « La recherche du pouvoir à tout prix porte à des abus et à des injustices. » « Quand elle (la politique) n’est pas vécue comme un service à la collectivité humaine, par ceux qui l’exercent, elle peut devenir un instrument d’oppression, de marginalisation, voire de destruction. »

Reprenant les « béatitudes du politique » du cardinal vietnamien François-Xavier Nguyen Van Thuan, décédé en 2002, le pape dresse le portrait du bon politique : heureux, celui qui travaille pour le bien commun et non pour son propre intérêt, celui qui réalise l’unité, celui qui reste fidèlement cohérent. Celui aussi, qui sait écouter, celui qui n’a pas peur etc. Quel programme électoral !

Mais parce que ce message ne s’adresse pas seulement aux autres, il nous invite aussi à rechercher la paix intérieure, la paix avec soi-même, la paix avec l’autre (proche ou étranger), la paix avec la création, en redécouvrant la grandeur du don de Dieu et la part de responsabilité qui revient à chacun d’entre nous. Quel beau programme citoyen!

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Par Dominique Quinio, présidente des Semaines sociales

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