Dans quelques jours s’achèvera le débat parlementaire sur la révision des lois bioéthiques. Alors que les résultats en semblent « pliés » au bénéfice d’un libéralisme des mœurs généralisé, est-il encore utile de manifester une opinion discordante alors que cette opinion, pourtant largement exprimée au cours des phases de consultation, n’y a guère trouvé place ? Cette démarche ne serait-elle pas, au stade final du processus, contreproductive : elle pourrait aggraver le fossé qui sépare les catholiques du reste de la société ou, pire encore, pour peu que le ton de l’argumentation se radicalise introduire une violence supplémentaire dans les relations sociales. La difficulté de trouver le ton juste ne fait-elle pas obstacle désormais à la moindre opinion sur le fonds ?
« J’aimerais dire qu’il est possible d’éviter ces deux écueils, l’insignifiance et la provocation, sans se réfugier dans un silence qui rangerait définitivement la lampe sous le boisseau. »
La confirmation m’en a été donnée à l’écoute d’une intervention inspirée et inspirante de Monseigneur d’Ornellas le 16 septembre dernier au cours d’une soirée organisée aux Bernardins par la Conférence des Evêques de France.
Oui, Mgr D’Ornellas est un archevêque, oui la parole de l’Eglise est affaiblie, inaudible disent certains. Et pourtant ce soir-là, il me semble qu’il avait trouvé les mots et le ton juste pour être écouté bien au-delà du petit peuple des « observants » comme aiment à dire les sociologues. La vérité vous rendra libre, disait l’Apôtre Paul. « Je rêve que la bio éthique soit un mot en harmonie avec gratitude…, qui ne soutienne pas le gigantesque marché de la procréation » disait-il dans une sorte de profession d’Espérance. Il ajoutait sur un mode interrogateur mais prophétique « Prenons –nous le bon virage en laissant se développer un eugénisme libéral qui imprègne les mentalités et qui semble justifié parce que les techniques le permettent ? …Prenons nous le bon virage quand un choix politique non discuté oblige à des changements précipités et incertains sur la filiation humaine ? ». Espérer et questionner, voilà me semble-t-il une posture digne pour des croyants aujourd’hui. Ils se savent archi minoritaires et ne sauraient faire la loi. Mais ils ne peuvent manquer de proposer la ressource d’une anthropologie personnaliste reconnue comme cohérente et solide face aux révolutions multiples qui se disputent aujourd’hui les faveurs de nos libertés.
Porter une telle parole, la manifester par exemple en marchant le 6 octobre prochain dans la rue parisienne, n’est ni inutile, ni blessant. Mais il y a plus. La parole ainsi portée est « performative » comme disent les philosophes, c’est-à-dire qu’elle engage dans une action et tend à accomplir ce qu’elle annonce. Si c’est au nom de la fraternité et du respect des plus vulnérables que nous récusons le principe de la « PMA pour toutes «, alors nous devrons être plus que jamais en première ligne de l’aide aux familles qui portent les charges les plus lourdes : famille monoparentales bien sûr, mais aussi familles confrontées au handicap sous toutes ses formes. Si une conception exigeante de la dignité humaine nous oppose à la marchandisation des gamètes, alors nous serons plus que jamais aux côtés de ceux qui prennent soin de la vie fragile, dans ses commencements et dans sa fin.
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Jérôme Vignon, rédacteur des SSF