L’appel du Collège des Bernardins pour une société plus juste
Le 24 novembre a été présenté au Collège des Bernardins le livre Votez Fraternité ! (Hermann) rédigé par un collectif de 21 auteurs réunis par le Pôle de recherche des Bernardins. Ce livre est l’aboutissement de deux ans de travaux de la part d’un groupe d’universitaires, de haut-fonctionnaires, de théologiens, de diplomates, d’avocats et de journalistes associés à un certain nombre de partenaires tels que les Semaines sociales de France, le Secours catholique et ATD Quart-Monde. La recherche est partie du constat de crise profonde que traverse la France depuis 2019 avec notamment le soulèvement des gilets jaunes, les grèves à répétition liées à la réforme contestée des retraites, la pandémie sanitaire suivie des confinements successifs, la montée endémique des violences. Les chercheurs ont auditionné une cinquantaine d’experts, allant des philosophes Bertrand Vergely et Jean-Marc Ferry aux hauts fonctionnaires Pascal Lamy, le président du Forum de Paris sur la paix et Isabelle Falque Pierrotin, l’une des garantes du Grand Débat national. Les auteurs se sont interrogés sur les causes des bouleversements actuels et sont arrivés à la conclusion que l’Etat, dans sa configuration « moderne », était à bout de souffle. Aussi proposent-ils d’affirmer « la fraternité comme valeur centrale des services publics en forme de colonne vertébrale d’un nouvel Etat-fraternité, succédant aux autres formes, dépassées de conception de l’Etat (providence, stratège, libéral, etc.) ». La fraternité en effet est, selon eux, le principe fondamental qui permet de maintenir en tension les deux autres principes de la liberté et de l’égalité. Mais la fraternité ne s’improvise pas : elle doit être planifiée avec de nouvelles méthodes, intégrée dans de nouvelles politiques publiques et traduites dans les budgets des comptes publics. Ainsi les auteurs proposent-ils, par exemple, de « mettre en œuvre une automatisation des droits sociaux pour que soient effectivement soutenus les plus démunis d’entre nous, qui aujourd’hui sont trop fragiles pour les demander ».
Cette proposition centrale du livre rejoint la prise de conscience, cette fois du côté de l’Eglise catholique, que « les différentes religions, par leur valorisation de chaque personne humaine, comme créature appelée à être fils et fille de Dieu, offrent une contribution précieuse à la construction de la fraternité et pour la défense de la justice dans la société » (Fratelli tutti, 271). Bien que les auteurs du livre appartiennent à des horizons confessionnels et religieux différents, tous reconnaissent le rôle déterminant que pourraient jouer les cultes en France pour rendre la société plus juste et plus conviviale. Aussi appellent-ils à la mise en place d’un enseignement œcuménique, à la fois laïque et inter-religieux, de la culture éthique et religieuse à destination des fonctionnaires de la République. L’objectif est non seulement de permettre à chacun de découvrir l’histoire, les grands enseignements et les styles de vie des principaux cultes mais aussi de comprendre les nuances existant au sein des différentes traditions religieuses. Ils proposent également une journée annuelle dédiée à la fraternité en organisant, par exemple, des assises nationales de la rencontre inspirées du retour d’expérience de la Convention citoyenne sur le climat.
Mais la fraternité ne consiste seulement à la mise en place d’une plus grande coopération entre les cultes et les pouvoirs publics. C’est pourquoi les auteurs du livre proposent toute une série de propositions qui vont de l’association des plus démunis à la création de la loi et des règles de la vie en commun (n°1) à l’établissement d’une plateforme multi-acteurs consistant à la mise en place d’un dialogue des civilisations afin de favoriser la nécessaire réforme de la gouvernance mondiale (n°30). Cet appel à la fraternité du Collège des Bernardins fera l’objet d’un colloque en partenariat avec les Semaines sociales de France le samedi 29 janvier 2022 ouvert à tous.
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Antoine Arjakovsky, administrateur des SSF,
Co-directeur du département de recherche Politique et Religions, Collège des Bernardins