Une frontière peut en cacher une autre

La frontière, limite territoriale entre deux Etats, est vue naturellement le plus souvent comme un lieu de séparation, de division voire de confrontation. En ce moment elle évoque même le retour du tragique pour les peuples de l’Ukraine, aux portes de l’Europe.

Pourtant, au sein de l’Union Européenne, les frontières, purgées de leur poids symbolique et historique, peuvent se muer en espaces d’échange et de coopération.

Sous l’impulsion du Conseil de l’Europe (convention de Madrid en 1980) et de l’Union européenne, notamment via les différents programmes de coopération territoriale INTERREG, de nombreux projets transfrontaliers ont été conduits et ce, depuis plusieurs décennies.

Vu de France, ce mouvement a été longtemps plus dynamique le long de la frontière avec l’Allemagne sous l’impulsion du Traité d’Aix La Chapelle du 22 janvier 2019 que sur la frontière italo- française, comme la démontrée la faible coopération sanitaire lors de la pandémie de COVID 19.

Or, il existe à l’heure actuelle, un moment favorable pour cette coopération par la conjonction heureuse de la relance et de la réorientation de la diplomatie franco-italienne, et de la dernière étape de la réforme territoriale en France.

Le premier signe positif consiste en l’adoption du nouveau traité d’amitié franco-italien dit « traité du Quirinal » signé le 26 novembre 2021.

Au-delà d’un rééquilibrage de la diplomatie française et des traditionnelles coopérations interétatiques, ce traité relance et organise la coopération transfrontalière entre les deux pays.

Il y est ainsi solennellement affirmé que la frontière terrestre franco-italienne constitue un bassin de vie continu, où les populations française et italienne partagent un destin commun. De même les deux Etats s’engagent à faciliter la vie quotidienne des habitants de ces territoires.

Le traité prévoit en particulier que les Etats dotent les collectivités frontalières et les organismes de coopération frontalière de compétences appropriées pour dynamiser les échanges et la coopération. Les projets qui favorisent l’intégration de cet espace seront soutenus. Les modifications juridiques nécessaires pour lever les obstacles à la coopération frontalière devront donc être prévues.

Et surtout, comme sur la frontière franco-allemande, un comité de coopération frontalière est créé, associant représentants des Etats et des collectivités territoriales, chargé de la gouvernance de cette coopération, y compris en temps de crise.

Dans le même temps, la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale comporte un chapitre sur la coopération transfrontalière qui, notamment, instaure un apprentissage transfrontalier, organise la coopération dans le domaine sanitaire, facilite la concertation en matière d’aménagement commercial ou d’organisation de manifestations locales.

La prise en compte de la dimension transfrontalière au sein de l’organisation territoriale française est donc ici aussi confortée.

Certes, ces évolutions dans l’ordre juridique interviennent au sein d’un ensemble régional qui bénéficie aujourd’hui de la paix et de la démocratie.

N’oublions pas pourtant que ces deux nations se sont durablement affrontées dans les siècles précédents, avant que leur choix d’un destin commun, par l’appartenance à une Europe « unie dans la diversité » soit précisément fondé sur l’impossibilité de la guerre.

La coopération est donc possible entre des pays qui se sont auparavant affrontés !

Dans les Alpes-Maritimes, en Ligurie, à Vingtimille, dans la vallée de la Roya, de nombreux acteurs agissent depuis longtemps de part et d’autre de la frontière, pour surmonter les obstacles historiques à leur collaboration. Ils sont aujourd’hui confortés par ces nouveaux outils juridiques pour élaborer de nouveaux projets.

En ce moment favorable pour la coopération transfrontalière entre la France et l’Italie : osons rêver d’une frontière qui rassemble !

Jack Hebrard, Semaines sociales des Alpes-Maritimes

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