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Dossier La Tribune du Christianisme social
L’Assemblée plénière des évêques de France , qui vient de se clore à Lourdes, a vécu un tournant décisif pour l’Eglise catholique en France. Précédée de la publication du rapport de la Commission Sauvé sur les abus sexuels commis contre des mineurs au sein des communautés catholiques, par des clercs ou des laïcs, cette Assemblée ne pouvait pas ne pas proposer une réponse à la hauteur de l’enjeu, à la hauteur du choc ressenti devant l’ampleur des chiffres ainsi révélés.
A mi-parcours de cette assemblée, les évêques, profondément marqués par les paroles entendues, de la part de personnes en précarité autour de l’encyclique Laudato Si et de victimes, autour du rapport de la Ciase, ont reconnu officiellement la responsabilité de l’Institution ecclésiale ; ils prennent acte du caractère systémique des abus sexuels mais aussi des abus de pouvoir et abus de conscience perpétrés en son sein. Cette reconnaissance a été approuvée par une large majorité d’évêques, malgré la réticence de certains d’entre eux à porter le poids de crimes perpétrés avant qu’ils ne soient en charge. Cette reconnaissance s’accompagne d’un devoir de justice et de réparation à l’égard des victimes.
Les cérémonies mémorielle et pénitentielle qui s’en sont suivies, le samedi matin, ont alors pris tout leur sens, puisqu’il ne s’agissait pas de « s’abriter derrière la prière », selon l’expression d’un responsable catholique, mais de vivre spirituellement les mots prononcés. Les interventions du président de la conférence des évêques ou de la présidente de la Corref (conférence des religieux et religieuses de France), portant devant Dieu les horreurs commises par ceux-là même qui devaient protéger la vie, l’agenouillement de ces responsables devant la basilique résonnaient en chacune des personnes présentes, comme le glas qui accompagna de longues minutes ce temps de recueillement.
S’il s’agissait d’un pas important dans le processus, il devait s’accompagner de mesures concrètes et rapides, sur l’écoute des victimes, leur accompagnement, la réparation qui leur est due, les actions de prévention ou les évolutions dans la formation des clercs susceptibles d’empêcher le renouvellement de tels crimes. Mais le rapport de la Ciase posait également la question du mode de gouvernance dans l’Eglise, qui pouvait par un usage déviant de l’autorité avoir entretenu si longtemps le secret sur les crimes commis.
« Sous la forte impulsion de nos invités laïcs de vendredi et samedi (Ndlr: notamment les représentants de Promesses d’Eglise dont font partie les Semaines sociales de France) , pleins d’énergie, de colère, d’exigence, parfois inquiets de nos éventuelles exigences, il restait à nous mettre en route », a précisé Mgr de Moulins Beaufort, président de la CEF . Les évêques ont donc répondu lundi à bon nombre des recommandations de la commission Sauvé, notamment en ce qui concerne la réparation individualisée pour chaque victime : une commission indépendante, confiée à Marie Derain de Vaucresson, aura la charge de ce volet ; le financement du fonds spécial ne sera pas demandé aux fidèles (même s’il ne leur sera pas interdit de contribuer) mais assuré par la vente de biens mobiliers et immobiliers et un emprunt si besoin. Neuf groupes de travail sur différents thèmes vont se constituer, notamment pour accompagner évêques et prêtres dans leur mission. Un coordinateur national sera nommé et des laïcs assureront l’animation de ces groupes de travail. On pourra regretter que la présence des femmes dans tous les lieux de délibération et de décision ne soit pas plus explicitement mentionnée.
Sur les points doctrinaux évoqués par le Ciase (distinction entre pouvoir d’ordre et pouvoir de gouvernement, morale sexuelle, etc.) qui, de fait, ne dépendent pas de la seule Eglise de France, la réflexion est confiée à la Commission doctrinale avec le soutien des universités catholiques. On peut entrer ici dans le temps long de l’Eglise. Peut-être cet aspect-là décevra-t-il certains fidèles pressés de voir se concrétiser des changements dans l’organisation de l’institution.
Il devrait être néanmoins possible de les mettre en lumière à l’occasion du travail sur le Synode sur la synodalité voulu par le pape François (comment, d’ailleurs, groupes de travail et réflexions pour le synode vont-ils s’articuler ?), voire à l’occasion d’un synode national envisagé, dans la foulée, en 2023. Il s’agit de vivre vraiment la promesse d’un travail commun, où toutes les composantes du peuple de Dieu, tous les baptises, sont appelés à participer pour mener à bien la mission de l’Eglise Une démarche synodale qui ne doit pas être seulement réservée aux temps de crise.
Dominique Quinio, présidente des Semaines sociales de France
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