« Transmettre une culture héritée ou favoriser l’apprentissage des connaissances et compétences pour tous »
Récemment, lors d’un colloque de préparation de la session 2016 des Semaines Sociales, François-Xavier Bellamy, philosophe et homme politique a défendu l’idée d’un nécessaire recentrage de l’école sur une seule mission : transmettre notre héritage culturel. Xavier Mancel, chef d’établissement, répond.
« Cette idée, apparemment consensuelle, repose sur une triple illusion qui la rend non opérante.
1ère illusion :
En France, l’école classe et sélectionne depuis très longtemps et très bien. Nous l’avons tellement intégré que nous l’oublions. Tant que durant la scolarité obligatoire, nous accepterons, voire réclamerons les notes sur 20, les moyennes, les minimums et maximums, l’effet premier de l’école sera de classer avant de transmettre. Ce tri, qui pouvait être caché et accepté jusqu’aux années 80, ne peut plus l’être. Cette réalité a rendu en partie illégitime la transmission, ce qui est profondément dommageable.
Jusqu’au collège, l’école française doit abandonner cette fonction de tri, et donc, les systèmes d’évaluation, qui permettent le classement des élèves.
2ème illusion :
Une grand-mère, un livre et Wikipédia peuvent transmettre une connaissance. L’enseignant ne devrait pas être celui qui énonce et vérifie, mais celui qui partant de l’élève construit les dispositifs qui permettent son apprentissage. Plus que d’experts des contenus disciplinaires, nous manquons de professionnels de la pédagogie et de la didactique. L’école française reste trop souvent ce lieu de formation paradoxal où pour y apprendre, il faut avoir appris avant, dans sa famille ; ce qui explique notre échec dans la lutte contre les inégalités scolaires.
Ainsi, pour assurer la transmission à tous, « favoriser les apprentissages » doit devenir le cœur de l’identité professionnelle des enseignants.
3ème illusion :
Il est évident que l’école doit transmettre les savoirs jugés nécessaires. On ne pense pas sans contenu. Pour autant, ils ne sont ni la seule ni la première finalité. S’ils ne font pas sens, ils ne sont pas intégrés durablement. Surtout, la maîtrise de capacités cognitives (résoudre un problème, exposer des arguments, comprendre le sens d’un texte…) est une finalité au moins aussi essentielle.
En plus de mettre à disposition une nécessaire culture, l’école aidera efficacement ceux qui en besoin en leur révélant les capacités acquises et exploitables ailleurs. C’est tout l’enjeu de l’école du socle de connaissances et de compétences.
Ainsi, d’un lieu où se transmet un patrimoine commun dont le degré de maîtrise sert à sélectionner, l’école sera le lieu où tous, et surtout ceux qui ne ne sont pas accompagnés à la maison, peuvent apprendre à s’intégrer et s’émanciper.
Par Xavier Mancel, Chef d’Etablissement, Institut Sainte-Geneviève – Paris 6e, membre d’Eclore, association incubatrice de projet, associée aux SSF pour l’animation de la session Enfants & Ados de la 91e session : « Ensemble l’éducation ».