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Dossier La Tribune du Christianisme social
Le premier mouvement était spontané, sans véritable coordination, ni même revendication claire et construite, sinon l’abandon d’une taxe sur l’essence pénalisant les personnes contraintes d’utiliser leur voiture pour aller travailler. L’initiative avait pris de court les syndicats. Ils n’ont pas voulu, cette fois, être absents de l’action revendicatrice et ont réussi une forme d’union pour s’opposer au projet de réforme des retraites.
Une fois de plus, s’illustre la difficulté du dialogue social dans notre pays, chaque acteur rejetant sur l’autre la responsabilité du blocage et de ses conséquences dont pâtissent les usagers des transports, les commerçants, le tourisme, l’économie en général. Il ne peut y avoir dialogue quand, dès le départ, on voudrait qu’il y ait un perdant et un gagnant. Or, dans une négociation, le principe vertueux serait précisément que personne ne perde la face, que les chemins se rapprochent jusqu’à trouver la solution qui soit la meilleure pour un maximum de personnes et, notamment, les plus fragiles. Le succès, pour un syndicat ou pour un gouvernement, serait de mener jusqu’au bout les discussions, jusqu’à ce point d’équilibre qui impose à chacun d’aller un peu plus loin dans les efforts consentis.
Les syndicats répondent par la négative et en font le reproche au gouvernement. A l’inverse, y a-t-il volonté de négociation quand la position de départ de certains opposants est l’abandon pur et simple d’un projet de réforme, qui faisait partie des propositions de campagne du président élu ?
La chose est rendue difficile quand il n’y a pas accord sur le fond du tableau. Notre système de retraites – la solidarité dont il se veut le symbole – peut-il perdurer quand la proportion entre actifs et retraités n’a plus rien à voir avec celle que l’on a connu au moment de la mise en place du système ? L’allongement de la durée de vie, et de la durée de vie en bonne santé, oblige à regarder les années de retraite autrement. La pénibilité de certains métiers est incontestable et impose de permettre à ceux qui en vivent les conditions difficiles (dont, souvent, l’espérance de vie est plus courte) de profiter pleinement de leur temps de retraite : mais il est nécessaire de réviser ces notions de pénibilité au fur et à mesure que se transforment les réalités du travail. De même, on ne peut négliger le ressenti de ceux qui sont amenés à perdre des « avantages acquis », qu’eux ne jugent pas injustes.
Ce fond de tableau-là, chacun doit le regarder en face et, en premier, les responsables politiques de tous bords, sans surfer sur la vague de mécontentement qui met en difficulté l’adversaire politique. Car ce qui se vit là, et ce qui s’est vécu tout au long de l’année des Gilets jaunes, concerne tout gouvernant actuel ou potentiel. Le déficit de confiance à l’égard des autorités est énorme. Leur parole ne « passe » pas ; elle paraît trompeuse par nature (la démission du chef d’orchestre de la réforme Jean Paul Delevoye ajoute à ce moulin de défiance). Cette suspicion généralisée est la plaie de notre démocratie, de notre vie en commun. En responsabilité, chacun, politique ou syndicaliste, doit s’efforcer – contre soi-même parfois – de tenir un langage de vérité.
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Dominique Quinio, présidente des SSF
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