Webconférence le mardi 6 mai à 19h30 – Le synode, un chemin à poursuivre
Dossier Pensée sociale chrétienne
Le dimanche 27 octobre dernier s’est achevé le synode sur la synodalité. Il aura duré trois années, trois années de réflexion pour définir les grandes orientations pour l’avenir de l’Église catholique.
Anne Ferrand, laïque au service de la formation et de la diaconie pour le diocèse de Rodez (Aveyron), membre, avec droit de vote, de l’assemblée du synode, livre son analyse de ce long processus.
Vous revenez à peine de Rome, au moment où je vous interroge. Quelles sont vos premières impressions ?
Je rentre d’une expérience qui a besoin d’être digérée, pour laisser infuser ce que nous avons reçu. Ma première réaction est d’avoir vécu une expérience en tension et de devoir tenir cette tension entre l’expérience positive d’une rencontre profonde et fraternelle et le ressenti d’une expérience éprouvante, d’un plongeon en eaux parfois troubles.
En eaux troubles ? La formule est terrible.
Terrible, en effet. Mais un plongeon nécessaire si l’on veut débusquer les raisons des résistances, aujourd’hui, à la synodalité. Nous avons eu besoin de reconnaître tout ce qui empêche cette démarche synodale ; il nous a fallu revenir souvent aux questions d’abus, aux causes d’un abus systémique. Ce fut éprouvant et, au fond, le signe d’un désir d’assainissement. Au cours de ce synode, on a senti qu’il y avait parfois de l’incompréhension, des résistances, que c’était compliqué d’aller plus loin à certains moments. On a pu le faire parce qu’il y a eu ce temps long qui a permis d’entrer dans la confiance. À la session de 2023, il y avait davantage de déni sur certains sujets ; cette année, il y a eu plus de profondeur dans les échanges, un encouragement à l’audace et à la vérité qui ont permis de poser beaucoup plus de thèmes sur la table.
Les dysfonctionnements, d’où viennent-ils ?
D’un fonctionnement très hiérarchique avec une autorité parfois isolée, donc des décisions prises qui peuvent être dirigistes et non évaluées, et non évaluables. La question des relations a été souvent mise en avant. La manière d’être ministre ordonné doit être repensée dans une démarche synodale : il s’agit d’être ministre ordonné « avec » le peuple de Dieu… Il a été proposé que les formations soient assurées de manière plus synodale, avec des formateurs laïcs, hommes et femmes, à tous les niveaux, diocésains, universitaires, dans les séminaires. Le document final appelle à un discernement plus partagé.
Discernement : le mot revient très souvent.
Ce fut une thématique centrale, qui vaut à tous les niveaux, au plan personnel jusqu’au discernement ecclésial. Appeler et reconnaître chaque baptisé, chaque communauté, comme un don ; entrer dans une démarche d’échanges de dons. Cela concerne les appels en paroisses ou dans les diocèses. Quand on appelle des laïcs, ce ne doit pas être par manque de ministres ordonnés mais pour la reconnaissance de ce que chacun peut apporter en propre au service de la mission commune. Il ne s’agit pas d’abord de remplir des cases vides ou de combler des manques.
La question des femmes est revenue dans les débats, même si elle avait été confiée à un groupe de travail extérieur à l’assemblée.
Cette question aura été, au cours de nos travaux, omniprésente. À chacune des tables, tous les jours, il fut question des femmes et d’une nécessaire relation de réciprocité, de reconnaissance mutuelle, d’égale dignité. Il s’agissait très concrètement de dire que nous avons besoin les uns des autres, de travailler les uns avec les autres, en apportant ce qu’il y a de commun et ce qu’il y a de spécifique à la mission de l’Église. Et, en même temps, nous devons reconnaître que cela reste une difficulté, cela a été clairement exposé aussi, et fut exprimée la nécessité d’aller chercher les raisons de ces peurs, voire de ce mépris
vis-à-vis des femmes, dans certaines cultures plus que dans d’autres, mais éprouvé et dénoncé partout.
Le pape avait fermé la porte au diaconat féminin. Dans le texte, on perçoit une certaine ouverture.
Oui, est en effet proposée la réouverture d’une réflexion sur le diaconat féminin. On est passé du déni à l’écoute, à la reconnaissance, à la nécessité de reconnaître tous les lieux d’engagement, de prise de responsabilité des femmes dans l’Église : ils sont nommés dans le document final au numéro 60, qui, il faut le dire, est le passage qui a reçu le plus de votes négatifs. Dans le même temps, dans notre assemblée, l’évocation forte des abus vis-à-vis des femmes consacrées dans le monde nous indique qu’il y a encore beaucoup à faire, avant de parler partout et pour tous d’un accès au diaconat, s’il n’y a pas un respect premier de la femme. Cela nécessite un travail d’éducation, de profonde conversion. Je suis très marquée par ces témoignages qui nous disent que la dignité des femmes n’est pas un acquis. Et ce n’est pas seulement le problème des femmes, mais le problème de toute l’Église. On a franchi une étape. On
a compris – je le crois, je l’espère – que la question de la place de la femme dans le monde et dans l’Église est l’affaire de toute l’Église, hommes et femmes, clercs et laïcs. Cela progresse, mais ce n’est pas si facile. On sent une certaine résistance à penser une nouvelle manière de vivre en Église.
Ces résistances ne viennent-elles pas aussi de certains laïcs ?
On peut éprouver de la crainte, dans la société « liquide » dans laquelle nous vivons, où il y a de moins en moins de sécurité, de stabilité. Pour certains, entrer dans une démarche synodale, c’est faire tomber les cadres qui nous structurent et nous sécurisent. Or, c’est entrer ensemble dans une coresponsabilité, et se situer tous ensemble en adultes dans la foi. C’est moins confortable que de recevoir une parole, une autorité descendante. Se situer en coresponsabilité, cela demande de s’y préparer, de se former. Cela nous demande de ne pas être des chrétiens consommateurs ! Ce chemin-là peut s’engager dans nos communautés ecclésiales.
Pour certains, entrer dans une démarche synodale, c’est faire tomber les cadres qui nous structurent et nous sécurisent. Or, c’est entrer ensemble dans une coresponsabilité, et se situer tous ensemble en adultes dans la foi.
Mais comment s’y engager ?
Pour l’instant, le fonctionnement veut que ce soit l’évêque dans son diocèse, le prêtre dans sa paroisse qui donne l’élan : changeons cela. Nous avons été invités à être des missionnaires de la synodalité. Nous recevons des demandes de former des personnes à accompagner la conversation spirituelle dans une réunion ; on peut vivre autrement nos réunions ; faire cette expérience, cela donne le goût de la faire vivre à d’autres. C’est un premier outil (qui est plus qu’un outil, d’ailleurs) ; on peut susciter des lieux de formation partagées, comme, dans mon diocèse de Rodez, le parcours Théophile qui se vit dans une dynamique synodale : nous sommes tous conviés, personnes en précarité (que nous accompagnons particulièrement), recommençant, personnes engagées, laïcs, consacrés, clercs, et notre évêque ; c’est un chemin de reconnaissance mutuelle de ce que l’autre, tout autre, peut nous apporter.
On a évoqué la question de créer un ministère de l’écoute ?
L’option est gardée ouverte et adaptable selon les lieux et les contextes. Avec une interrogation : être à l’écoute, c’est la responsabilité de tous ; il ne faudrait pas la réserver à certains pour s’en dédouaner. En même temps, il est bon de former des personnes à cette écoute-là, parce qu’autrement, les personnes qui
frappent à la porte d’une paroisse risquent de ne trouver personne.
La paroisse peut intimider des personnes plus éloignées ?
L’enjeu, c’est de faire vivre ce qu’on appelle ailleurs des communautés chrétiennes de base qui peuvent avoir des visages divers, des communautés de proximité, quand le lieu paroisse est trop loin, dans tous les sens du terme : un espace d’écoute, de partage de la parole de Dieu, de solidarité. Ce sont de vrais
lieux de croissance dans la foi, où l’on prend soin des personnes. On pourrait déployer ou encourager chez nous de tels lieux.
La diversité des cultures est apparue dans les débats. Le document accorde-t-il plus d’autonomie aux
différents lieux d’Église ?
Les Églises, les conférences épiscopales, les assemblées continentales ont été reconnues dans leur diversité, invitant, du coup, à repenser leur rôle et à leur accorder une autorité par rapport à Rome ; en raison du principe de la subsidiarité, il s’agirait d’aller vers une certaine décentralisation pour que chaque assemblée s’adresse à ses Églises locales de manière plus inculturée, avec des rythmes différents, tout en tenant l’unité. Cela donne une consistance plus forte à la collégialité. L’idée est que personne ne soit isolé dans son discernement, du pape jusqu’à chacun de nous.
Ce qui nous est proposé là, c’est ressourçant au sens propre du terme, un retour à l’Évangile toujours plus dérangeant, un Évangile qui ne nous laisse pas tranquilles. C’est s’engager dans une Église qui nous demande de nous mettre en marche, or la marche, c’est un certain déséquilibre.
Quel est, désormais, la responsabilité de chacun ?
Nous devons accueillir avec audace et miséricorde les propositions émises par l’Assemblée du Synode. Cela nous demande de reconnaître que nous sommes une Église blessée et que beaucoup de personnes sont blessées par l’Église. La démarche synodale demande du temps. Mais nous pouvons témoigner que cela donne du goût à notre vie de foi, que cela nourrit en profondeur notre chemin, en Église, avec le Christ et avec les autres. Ce qui nous est proposé là, c’est ressourçant au sens propre du terme, un retour à l’Évangile toujours plus dérangeant, un Évangile qui ne nous laisse pas tranquilles. C’est s’engager dans une Église qui nous demande de nous mettre en marche, or la marche, c’est un certain déséquilibre. Le document final que certains jugent non révolutionnaire, peut l’être si on s’y engage vraiment !
Propos recueillis par Dominique Quinio, présidente d’honneur des SSF
Article issu de La Lettre trimestrielle de janvier (pour la recevoir dans votre boîte aux lettres, adhérez aux SSF !)
Webconférence le mardi 6 mai à 19h30 – Le synode, un chemin à poursuivre
L’appel des organisations chrétiennes lyonnaises pour l’écologie
L’Europe sous pression, défendre la vérité dans le contexte de guerre hybride
Podcast – Trump, la loi du plus fort ?
Podcast – Intelligence artificielle, menace réelle ?
Suivez l’actualité des Semaines Sociales de France
Contact
15 boulevard Gabriel Péri
92240 Malakoff France
semaines-sociales @ ssf-fr.org
+33(0) 1 74 31 69 00