La distribution des revenus est assez bien connue sauf pour les très bas revenus (travail au noir) et pour les très hauts revenus (dissimulation). La distribution des richesses ou patrimoines est moins bien connue, notamment aux Etats-Unis.
En France et en Europe continentale, la distribution des revenus a peu varié au cours des 20 dernières années. Ainsi le rapport entre le revenu par tête annuel au-dessus duquel se situent 10% des français les plus riches et le revenu au-dessous duquel se trouvent les 10% les plus pauvres est resté au voisinage de 3,5. Par contre, aux Etats-Unis, ce ratio a beaucoup monté depuis 30 ans. Thomas Piketty, grand spécialiste en matière de distributions des revenus et des richesses, a fait remarquer que l’essentiel de la hausse des revenus des 10% les plus riches venait en fait de la hausse des revenus des 1% les plus riches. Aujourd’hui, les 1% les plus élevés aux Etats-Unis gagnent 20% du revenu total contre 9% pendant les années 70. En France, les 1% ont un peu augmenté leur part pendant la première moitié des années 2000 mais celle-ci est aujourd’hui de 9% comme il y a trente ans. Les situations de l’Allemagne, du Nord de l’Europe, du Japon sont semblables. Les très hauts revenus américains vont principalement aux cadres dirigeants des entreprises et, accessoirement aux stars (artistes, sportifs, acteurs…). Ainsi le revenu d’un chef de grande entreprise est le double aux Etats-Unis de ce qu’il est en Europe continentale. 15% du revenu américain ont été transférés des plus pauvres (90%) aux plus riches (10%) depuis les années 70. De 1977 à 2007, les 10% les plus riches se sont appropriés les ¾ du revenu supplémentaire généré par la croissance et les 1%, 60%. Pour les 90% restants, le taux de croissance du revenu moyen a été réduit à moins de 0,5% par an. La croissance des inégalités a provoqué une quasi-stagnation des revenus bas et moyens.
Les inégalités de patrimoine ont toujours été beaucoup plus fortes que celles des revenus. Ainsi les 50% de personnes ayant le patrimoine le plus faible ont un patrimoine total d’au mieux 5% du patrimoine national en Europe comme aux Etats-Unis. Mais, comme pour les revenus, on constate une différence importante entre l’Europe continentale et les Etats-Unis quant à l’évolution au cours des 30 dernières années. La part des 10% des patrimoines les plus élevés est remontée à 70% du total aux Etats-Unis contre 60% en Europe. Contrairement aux revenus, on ne retrouve pas l’inégalité extrême de la belle époque. En effet les patrimoines intermédiaires compris entre les 50% les plus pauvres et les 10% les plus riches, c’est-à-dire 40% de la moyenne supérieure, possèdent 35% de la richesse totale en Europe et 25% aux Etats-Unis, contre de l’ordre de 5% en 1900. Il s’est donc constitué de façon quasi définitive, une sorte de classe moyenne. Il faut noter que les distributions de richesses observées mélangent les jeunes et les vieux. Or les jeunes de 20 à 29 ans ont, en France une richesse moyenne inférieure au quart de la richesse des personnes de plus de 60 ans. Nous n’avons pas de distributions des richesses de personnes âgées dans les principaux pays. C’est dommage.
Paul Champsaur, haut fonctionnaire