Les gilets jaunes interrogent notre vie démocratique

Depuis plus d’une semaine, le mouvement des « gilets jaunes » imprime sa marque, son rythme et son style à la vie sociale et politique. Ce mouvement de ruraux et de périurbains en déshérence s’est cristallisé autour de la question de la taxe sur le carburant. Car dans certaines zones, périurbaines ou rurales justement où l’on a poussé les gens à s’installer, il n’y a pas d’alternative à la voiture. Mais le mouvement agglomère aussi bien d’autres revendications : pouvoir d’achat en berne face à l’augmentation des dépenses contraintes, pénuries de services et de commerces de voisinage, sentiment d’ augmentation du nombre des taxes et manque de fléchage des sommes ainsi recueillies, promesses de campagne non tenues ou qui tardent à produire leurs effets… La liste serait longue des revendications qui s’aggrègent à celles-ci car, au-delà d’une base commune, elles différent selon les interlocuteurs.

Et c’est l’autre aspect, compréhensible mais inquiétant, de ce mouvement : la défiance vis-à-vis de tous les intermédiaires – partis, syndicats, bref les « élites » – est telle que la volonté de ne pas se constituer en « collectif », de ne pas s’institutionnaliser est érigée en principe. En un mot ce mouvement élimine toute forme de représentation – pour soi-même ou face à soi – au profit d’une « démocrature » totalement illusoire. Qui peut en effet dialoguer chez les gilets jaunes ? Et avec qui ? Et s’il n’y a pas de dialogue possible n’y a-t-il pas d’autre issue, d’une part comme de l’autre, que de se soumettre ou de se démettre ? Cette alternative est impossible dans un état de droit et dans une démocratie représentative car elle en détruirait les fondements. Elle est aussi psychologiquement et politiquement suicidaire et/ou meurtrière.

Peut-on trouver un remède à cette volonté d’être « pris au sérieux », de ne pas être « roulé dans la farine » ? S’il y en a un, il se situe certainement au plus près des personnes concernées, c’est-à-dire au niveau local, et non pas dans un illusoire et impossible « dialogue » entre un président censé être tout-puissant et un collectif qui se comporte en lobbyiste violent.

Il appartient à la démocratie locale de réconcilier la participation citoyenne et le démocratie représentative. Cela est-il possible ? Oui, et il y a plusieurs initiatives pilotes en ce sens, telle celle que promeut Jo Spiegel, maire de Kingersheim, en Alsace, qui met en place pour tout projet important, un conseil participatif qui regroupe des citoyens (volontaires, sollicités, élus) des élus et des experts afin d’instruire le dossier et de proposer au vote des représentants élus une décision.

La place et la fonction du maire changent. Ce ne sont plus des notables qui administrentent un territoire, mais des citoyens qui animent la vie d’un collectif humain.

Bien sûr il faudrait aussi que la décentralisation soit réengagée et développée comme le propose Jean-Pierre Raffarin mais sans cet élan qui part de la base, rien ne sera possible.

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Par Jean-Pierre Rosa, rédacteur des SSF

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