L’école de la République après le Covid-19

Pendant la crise du covid-19 autant le personnel soignant a toujours été sur la brêche, sans défaillance, autant les écoles ont manqué à l’appel. Le protocole sanitaire étant quasiment impossible à respecter un certain nombre de maires ont fait sécession, des profs sont restés chez eux tandis que nombre de parents refusaient d’envoyer leurs enfants à l’école. En quelques jours le consensus autour de l’école obligatoire a volé en éclat. Si bien que le retour en classe s’est fait « sur la base du volontariat ». Un comble pour l’école de Jules Ferry ! Sanction du réel : début juin moins d’un quart des enfants avaient retrouvé les bancs de l’école. Tout ira-t-il mieux lorsque le protocole sera adouci ? En partie oui, bien sûr, mais la crise sanitaire a jeté une lumière crue sur la défaillance de l’école de la République, la désaffection dont elle est l’objet, tout en indiquant en creux quelques pistes d’évolution.

La préoccupation sociale a beau avoir été mise en avant par le ministre, ce ne sont pas les « décocheurs » qui sont revenus mais bien ceux qui percevaient – et dont les parents percevaient – l’importance de l’école. Les fossés, au lieu de se combler, se sont creusés. De plus l’idée de privilégier les plus petits, et de laisser de côté les lycéens, a été perçue comme une mesure opportuniste visant tout simplement à favoriser le retour au travail des parents.

Effectivement, si l’école est avant tout une garderie, à quoi bon ?

Il y a donc urgence à refonder l’école, à lui donner un projet mobilisateur pour tous. Les événements récents nous y aident car ils nous ont montré s’il en était besoin, les limites d’un apprentissage purement « familial « et numérique et l’urgence d’une vie sociale autonome : l’école est bien sûr un lieu d’apprentissages mais elle est aussi, et peut-être avant tout, un lieu de socialisation et d’autonomisation. Il y a là sinon un projet éducatif, au moins ses maîtres-mot, ses grandes lignes.

Mais pour que ce projet éducatif ne soit pas parasité par d’autres préoccupations (comme la charge d’innombrables dossiers spécifiques, ou le suivi RH des personnels par exemple), il conviendrait de ne pas encombrer le niveau national par des préoccupations secondaires et de faire jouer à plein l’association et la subisdiarité.

Les parents ne veulent pas être tenus loin d’une école dont ils se méfient de plus en plus ?Qu’ils y soient les bienvenus et cessent d’en être tenus à l’écart par des professeurs ombrageux. Les mairies veulent elles aussi participer à la bonne marche de l’école ? Qu’elles et toutes les collectivités territoriales y soient mieux représentées et davantage associées.

Cette décentralisation de l’école vers les territoires et les parents ne mettrait pas en cause l’unité de l’école de la République qui n’est déjà plus qu’un mot face à la puissance des logiques sociales qui y règnent sans partage, via notamment la carte scolaire. L’association de toutes les parties prenantes est aujourd’hui une tendance lourde. Mieux vaut l’accueillir et l’accompagner – même au sein de l’éducation nationale – plutôt que de la rejeter au nom de principes qui n’ont plus de pertinence.

Elle permettrait de donner plus de responsabilité à tous les acteurs, à commencer par les chefs d’établissements, et aurait comme conséquence d’alléger le pilotage central de l’école. Celui-ci devrait en fait se borner à indiquer les finalités sans s’aventurer dans le détail fin des programmes et de normes en tout genre.

Dernier venu enfin à l’école, le numérique vient de faire ses preuves. Il ne peut plus désormais rester confiné en dehors des murs de l’école. Il y a toute sa place. Outre que cela éviterait aux enfants de jouer avec leur smartphone pendant les cours, cela leur permettrait surtout d’apprendre à s’en servir intelligemment.

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Jean-Pierre Rosa, philosophe et membre du groupe bioéthique et santé des SSF

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