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Dossier La Tribune du Christianisme social
« Bla, bla, bla » : voici, en très très court, le résumé de la COP26 par Greta Thunberg, la jeune égérie du mouvement international de la jeunesse pour le climat. Avis net et tranché, loin d’être partagé par tous. Comme souvent après ce type d’événements, les analyses varient suivant les points de vue et les parties prenantes.
Certains se réjouissent par exemple que pour la première fois le charbon soit explicitement identifié dans le texte final comme problématique pour le climat, même si une négociation de dernière minute a transformé l’objectif de « sortir » du charbon en « réduire » son utilisation. D’autres, sur ce même point, s’étonnent qu’il ait fallu 26 COP pour faire le lien entre énergie fossile et changement climatique. De même, sur l’espoir de tenir l’objectif de l’accord de Paris de maintenir la hausse du thermomètre planétaire entre 1,5°C et 2°C par rapport à 1850, les avis divergent. Il est clair que les engagements actuels des États nous amènent toujours vers un monde à +2,7°C. Mais ces mêmes États se sont engagés à revoir à la hausse leurs engagements pour fin 2022, 3 ans avant la date fixée par l’accord de Paris.
« Bla, bla, bla ». On pourrait continuer ainsi les analyses point par point, et discuter de la validité de l’accusation d’inaction, voire d’immobilisme criminel, que cette onomatopée lance à la face des dirigeants de ce monde, et à nos sociétés qu’ils et elles représentent. Mais il me semble que ces trois sons répétés renvoient peut-être à « quelque chose » de plus profond en nous quand nous prêtons l’oreille à l’état du monde. Ce « quelque chose » que le Psalmiste formule de façon si pertinente « Pourquoi ce tumulte des nations, ce vain murmure des peuples ? » (Ps 2 :1).
Alors, peut-être que ce « Bla, bla, bla » nous invite avant tout à nous extraire du bruit incessant des nouvelles et des chaînes d’information en continu, pour retrouver le silence. Le silence extérieur, certes, et peut-être est-ce la première étape nécessaire. Quitter nos écouteurs et nos écrans, nos débats de haut vol ou nos cafés du comptoir. Se rendre dans un parc, près d’une rivière, ou loin à la campagne, en bord de mer ou au sommet d’une montagne. Mais surtout, laisser le silence se faire en nous, laisser le Silence nous saisir comme l’aigle de Madeleine Delbrêl : « Le silence n’est pas une couleuvre que le moindre bruit fait fuir, c’est un aigle aux fortes ailes qui surplombe le brouhaha de la terre, des hommes et du vent. »
Peut-être est ce là que le combat spirituel nous mène de façon radicale, i.e. à la racine de la crise. Peut-être est ce à ce niveau de profondeur que l’enjeu mérite vraiment le nom de « conversion ». C’est en tout cas l’analyse du Pape François : « s’il est vrai que « les déserts extérieurs se multiplient dans notre monde parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands », [alors] la crise écologique est un appel à une conversion intérieure » (LS 217, citant Benoît XVI).
Alors, puisqu’il semble bien que le silence extérieur soit souvent nécessaire pour que le silence intérieur puisse se faire et que le Silence puisse nous saisir, qu’attendons nous pour déclarer le silence comme un bien commun de l’humanité ? Qu’attendons-nous pour construire et offrir des espaces de silence dans nos villes, dans nos vies, dans nos COP ? L’enjeu est spirituel. Profondément relationnel. Et finalement politique, selon l’analyse prophétique de Ivan Illich lors d’une conférence en 1981 au Japon dont le titre était précisément : « Silence is a commons » « Le silence comme bien commun ».
En faisant silence dans ces jours post COP, en faisant silence dans le « Bla, bla, bla » de mes émois intérieurs pris entre espoirs déçus et désespoirs immobilisants, j’ai cru percevoir un signe de cette culture du silence, et donc de l’écoute de « la clameur de la terre [et] la clameur des pauvres » (LS 49). Je vous le partage, peut-être résonnera-t-il dans votre propre silence intérieur ?
Le cri en question résonne comme un cri de victoire, une fois n’est pas coutume. C’est celui de la pie grièche méridionale. Le tribunal administratif de Nîmes lui a en effet donné raison contre le géant Amazon qui voulait bétonner près de 4ha de terres, à 5km du Pont du Gard, où cette charmante espèce protégée niche. Comment les juges ont-ils eu le discernement nécessaire pour s’opposer au rouleau compresseur des GAFAs ? Ont-il pris le temps d’aller écouter le silence de la garrigue avant de rendre leur jugement ? Je ne sais pas. Mais voilà une nouvelle qui, à défaut d’être significative, vient certainement enrichir le Bien Commun d’un point de vue symbolique.
Puissions-nous être capables d’en écouter et d’en provoquer d’autres par le développement d’une culture personnelle et collective qui soigne le silence comme un bien commun essentiel !
Xavier de Bénazé, délégué Laudato si’ pour la Province jésuite EOF, secrétaire général du Campus de la Transition
Photo (c) Andres Trepte, Iberian Grey Shrike Lanius meridionalis, Castro Verde, Alentejo, Portugal
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