La démocratie en question

La démocratie fonctionne mal mais on y reste attaché. Tel est, à première vue, le résultat global et attendu de la grande enquête réalisée par la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) et l’International Republican Institute et qui est en cours de parution[1]. Pourtant, à y regarder d’un tout petit peu plus près, il faut nuancer… et s’inquiéter.

« Car si beaucoup pensent que la démocratie fonctionne mal (près de 50 % en UE) et qu’elle est même en régression dans le monde, elle n’est du coup plus considérée comme l’horizon indépassable de la vie politique. »

S’il faut la réformer ce ne sera pas seulement en y intégrant une bonne dose de démocratie directe, mais en allant aussi sans remords vers une solution autoritaire. Celle-ci fait de plus en plus recette, notamment chez les jeunes. Ce sont les vieux et les élites (socio-économiques et intellectuelles) qui sont attachés à la démocratie représentative, bien plus que les jeunes et les couches moyennes ou populaires. D’ailleurs ce n’est pas le peuple qui a le pouvoir aux yeux de l’opinion dans les 42 pays observés, mais le personnel politique, les personnes les plus riches, les grandes entreprises et les marchés financiers.On comprend tout de suite le danger de cette évolution qui fait s’ajouter une fracture intergénérationnelle et culturelle à la fracture sociale et économique. Une défiance s’installe au cœur des démocraties à tel point qu’on aboutit à cet étrange paradoxe : au nom du pouvoir rendu au peuple, on est prêt à l’autoritarisme.

« L’idée d’une égalité à géométrie variable progresse. »

Mais pas n’importe quel autoritarisme. L’idée d’une égalité à géométrie variable progresse. La proposition “Que seuls les citoyens qui ont un niveau de connaissance suffisant puissent voter” recueille 38 % d’opinions favorables et attire tout particulièrement les jeunes où elle atteint presque 50 %.  Les auteurs parlent à ce propos d’ « épistocratie » (le gouvernement des savants).

Mais il est une autre leçon de ce super sondage : en Europe, ce sont les pays de l’Est qui sont le plus critiques vis à vis de la démocratie et le plus nostalgiques d’un Etat fort et protecteur contre les assauts de la mondialisation, de l’immigration et de l’islam. Les pays d’Europe du Nord semblent échapper à cette tentation autoritaire et épistocratique. En fait, là où les institutions démocratiques ont failli, le rêve de l’homme fort qui n’a pas à se préoccuper du Parlement et des élections fait son chemin et séduit les esprits. Mais là où les institutions démocratiques sont exemplaires, la démocratie reste le meilleur moyen de vivre en société.

Peut-être devons-nous méditer cette leçon et tenter d’adopter, pour nos propres micro-systèmes démocratiques, une attitude exemplaire. Dans les associations, les ONG, les entreprises, mais aussi les églises et même les familles, le modèle démocratique doit déployer toutes ses vertus. On ne peut pas être démocrate en politique et tyran dans son entreprise, sa paroisse ou sa famille. Mieux : c’est en promouvant le modèle démocratique dans tous ces lieux qu’on en percevra toutes les vertus et que l’on pourra, dès lors, y faire adhérer le plus grand nombre de personnes.

  1. Enquête réalisée dans 42 pays (l’UE et tous les autres pays d’Europe, l’Australie, les Usa, le Brésil, le Canada, Israël et la Nouvelle Zélande), en 33 langues auprès de 37000 personnes sur l’état de la démocratie dans l’opinion publique de ces pays

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Jean-Pierre Rosa, rédacteur des SSF

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