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Dossier La Tribune du Christianisme social
Le gouvernement de la République française a annoncé le 11 octobre 2022 un plan de formation à la Transition écologique[1] de 25 000 hauts fonctionnaires d’ici 2024 comme « préalable à l’action » et « première brique du plan de sobriété énergétique » national qui se met en place face au difficile contexte énergétique actuel. Enfin ! Quand on songe que le Président de la même République française disait déjà il y a 20 ans « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs […] Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ! Prenons garde que le XXIe siècle ne devienne pas, pour les générations futures, celui d’un crime de l’humanité contre la vie »[2], il y a de quoi se demander pourquoi il aura fallu attendre une génération entière pour que l’idée de se former à la hauteur des enjeux apparaisse…
Ainsi va la lenteur de nos transformations systémiques. Ainsi en va-t-il de nos résistances aux changements, tant au niveau personnel que collectif. Ainsi en va-t-il de structures qui parfois peuvent devenir « structures de péché » pour reprendre les qualificatifs mis en avant par Jean-Paul II en son temps. Face à ce constat, certainement nous chrétiens, nous pouvons continuer à prier comme nous le faisons régulièrement à l’invitation de St Paul : « J’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’État et tous ceux qui exercent l’autorité, afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité. Cette prière est bonne et agréable à Dieu notre Sauveur, car il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité » (1 Tm, 1-4).
Mais cette écoute du monde et cette prière pour le changement non seulement de pensée mais surtout de cœur de nos dirigeants et hauts fonctionnaires devrait nous poser nous la question : quid de notre Eglise ?
Le développement joyeux et rapide du Label œcuménique Eglise Verte est un signe que nous nous posons la question. 740 communautés se sont déjà engagées dans la démarche en à peine 5 ans[3] ! Mais on est encore loin des 10681 paroisses de la seule Eglise catholique en France[4] ! Le cycle Laudato si’ de la CEF qui avait été spécifiquement ouvert à des chrétiens et chrétiennes engagées sur le terrain a aussi été un bon signe. Mais à la fin du cycle, il n’y a pas eu d’engagements clairs de la Conférence. Il existe aujourd’hui un réseau fourni de référents diocésains à l’écologie intégrale ce qui est en fait une expérience ecclésiale prometteuse. Mais il n’y a pas d’équivalent chez les religieux et religieuses, et la réalité du temps disponible et des compétences des référents est très variable. Bref, comme dirait la traditionnelle remarque de bulletin scolaire « Encore une belle marge de progrès ».
Or pour que ce progrès soit effectivement mis en place, il faudra bien en venir dans l’Eglise à quelque chose comme ce que l’Etat est en train de faire avec plus de 20 ans de retard. Il faudra accepter d’y passer du temps ; et du temps de personnes formées et donc compétentes (au moins en théorie). En rencontrant divers acteurs dans l’Eglise, soit responsables d’institutions ou de services, soit responsables de démarches écologiques au sein de ces institutions et services, je crois qu’il est bon aujourd’hui de le dire franchement : « Non, un bénévole-1-jour-par-semaine-moins-les-vacances-scolaires ne pourra pas mettre en œuvre les changements structurels nécessaires à la Transition écologique et sociale dans un diocèse, une congrégation, une école… ». Si l’Eglise parle de conversion écologique, c’est que non seulement elle veut mettre en avant la nécessaire profondeur spirituelle et l’enracinement en Christ de ce processus de changements. Mais elle dit aussi que ce qui est en jeu est de l’ordre d’un changement de vision du monde et de notre manière d’être et de vivre dans la Création. Alors organiser une journée de ramassage de déchets autour de la paroisse, monter un carré potager dans la cour de l’école, organiser une journée Laudato si’ du diocèse c’est bien. Mais ce n’est pas suffisant ! Il va falloir changer les manières de se chauffer, de s’alimenter, de se déplacer, de consommer. Il va falloir revoir notre manière de décider ensemble. Il va falloir se mettre à l’écoute de l’Esprit qui souffle en ce temps de crise et qui nous invite à nous ancrer dans l’Espérance. Alors, est ce que vraiment quelques 10e de temps bénévole, clérical ou salarié vont suffire à répondre à l’appel à la conversion écologique ? J’ai des doutes.
La bonne nouvelle, c’est qu’aujourd’hui des formations à la hauteur des enjeux existent. Tant du point de vue séculier que théologique, les vingt dernières années n’ont pas été dépensées en vain. Des spécialistes par domaine et des pédagogies transdisciplinaires existent. La question est alors : les institutions ecclésiales seront-elles prêtes à mettre les moyens pour former les personnes en mission aujourd’hui dans tous les secteurs de la vie de l’Eglise ?
L’autre bonne nouvelle, c’est que des chrétiens et chrétiennes, jeunes ou ayant de l’expérience, portent le désir de s’impliquer pleinement au service de la conversion écologique de l’Eglise. Ils ont souvent une bonne (auto)formation et des liens avec le monde écologiste déjà engagé. Là encore la question est : les institutions sont-elles prêtes à allouer des ressources pour permettre de recruter ces personnes et de leur donner les moyens de déployer leur mission ?
Espérons que oui, espérons que notre écoute des signes des temps fera mûrir notre discernement et nous amènera en Eglise à choisir la Vie.
P. Xavier de Bénazé, Délégué Laudato Si’-Écologie pour les Jésuites de la Province d’Europe Occidentale Francophone
[1] Espérons que l’indispensable volet « justice sociale » de la Transition écologique sera abordée !
[3] https://www.egliseverte.org/communautes-eglise-verte/
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