L’extension de la PMA aux couples de femmes homosexuelles, voire aux femmes seules, provoquera un accroissement de la demande de gamètes estimé à 2,5 fois celle qui permet de répondre, actuellement en flux tendus, aux indications médicales des couples hétérosexuels. Pour faire face à ces nouveaux besoins, l’offre de gamètes risque au contraire de diminuer pour plusieurs raisons :
- la perspective législative de permettre à l’enfant né de ce don d’accéder, à sa majorité, à l’identité ou à des éléments d’identification du donneur
- le développement de banques de génomes a déjà permis à des enfants nés du don d’identifier leur père génétique
- l’impossibilité pour le donneur ou la donneuse de faire respecter une préférence qu’il/elle aurait pour que son don bénéficie à un couple hétéro ou à un couple homosexuel.
Cette tension accrue entre offre et besoins de gamètes expose à plusieurs risques :
- un allongement significatif du délai de prise en charge des couples infertiles hétérosexuels. Ces couples se résolvent souvent tardivement à la décision de PMA avec donneur. Ils risqueront alors de se trouver hors des délais de prise en charge et d’être ainsi exclus d’un soin auquel ils ont droit.
- une suspicion de discrimination par l’orientation sexuelle en cas d’attribution prioritaire, pour raison médicale, à des couples infertiles hétérosexuels. Une telle priorisation a été écartée par les CECOS qui ont dit leur refus d’avoir à trancher sur ce point, en en laissant la responsabilité au politique. Cette question concerne tout le système de santé : dans l’emploi des ressources de la santé, pour un même acte technique, l’indication de caractère médical peut elle avoir un rang prioritaire par rapport à une indication de nature sociale, sans que cela implique une pratique discriminatoire si cette indication de nature sociale est elle-même la conséquence d’une orientation sexuelle ?
De nouvelles populations de donneurs seront recherchées:
- soit par l’ importation de spermatozoïdes prélevés à l’étranger, notamment dans des centres rémunérant les donneurs. Mais la traçabilité des gamètes et le suivi des donneurs, pour garantir les mêmes conditions de sécurité sanitaire (notamment virales), ou de filiation génétique, risquent d’être illusoires. Ces mesures, déjà obligatoires en France , n’y sont que très partiellement effectives .
- soit par la rémunération du don. L’expérience des pays étrangers ayant recours à de telles rémunérations montre que les « donneurs » sont plus souvent des personnes en situation de difficultés sociale et sanitaire, lesquelles les poussent à multiplier les dons, bien au-delà des limites autorisées et à masquer leurs antécédents. Outre les risques sanitaires majorés, celui de consanguinité entre enfants nés d’un même parent génétique est alors accru. Une rémunération ouvrirait la porte à une marchandisation d’un produit du corps humain, contraire à la déclaration universelle des droits de l’homme et bousculerait la conception selon laquelle la santé n’est pas un bien marchand. Cela dévaloriserait la valeur de tout don, composant essentiel du fonctionnement sociétal , comme de la relation de soin, et nutriment du sens du système de santé en notre pays .
Ainsi, donner satisfaction à une demande liée à une souffrance essentiellement sociale, en utilisant les ressources du système de santé , peut il se faire en déstabilisant celui- ci, et en limitant son offre aux ayants droit actuels ?
Mathieu Monconduit, rédacteur des SSF