Il ne s’agit pas d’un événement culturel, mais d’une action d’accompagnement des politiques locales.
Ce projet très original, à l’initiative du gouvernement, en la personne du 1er Ministre Jean Castex vient de voir le jour.
Ce dernier a confié à Yannick Linz, conservatrice générale du patrimoine et directrice du département des arts de l’Islam au Louvre, soutenue par le Ministère de la Culture, celui de l’Education Nationale et par la Fondation de l’Islam de France, le soin d’organiser dans 18 villes de France partenaires, hors Paris, et à l’île de la Réunion, une exposition qui permette une meilleure compréhension de la Civilisation islamique pour contribuer à bâtir « un Islam des Lumières ».
L’objectif est ambitieux : il s’agit de présenter dans chacune des expositions 10 chefs d’œuvre. La sobriété qui a présidé à leur choix est aussi un signe à prendre en compte.
Chaque exposition couvre une période de 13 siècles, le nôtre compris. Les 210 œuvres originaires de la Péninsule arabique, de la Turquie, de l’Iran, d’Inde, d’Asie centrale, des Afriques Maghrebine, Subsaharienne, etc., sont en France depuis longtemps, appartiennent au patrimoine islamique français (60 de ces chefs-d’œuvres viennent du Louvre).
L’ enjeu est d’informer les jeunes de 15 à 25 ans sur leurs racines, sur leur identité profonde, sur une civilisation dont la plupart ignorent tout, et qui peut sembler à première vue étrangère, mais avec laquelle la France a tissé des relations suivies depuis des siècles. Le Musée du Louvre, la RMN (Réunion des Musées Nationaux), le Grand Palais, en assurent la production, avec la contribution des institutions locales (médiathèques, centres d’art, musées, et une grande participation des bibliothèques municipales et universitaires). Les élus locaux, qui sont co-commissaires des expositions sont chargés d’ organiser la mise en scène de ces œuvres, leur scénographie, avec des cartels faciles à lire pour les jeunes et qui donnent des clés de compréhension de ces civilisations dont l’ expression artistique leur est inconnue.
Les objets présentés sont des textiles, vêtements, caftans, une robe de soie brodée datant du 12e siècle, de grands olifants (le cor de Roland en ivoire à Toulouse !) des boites sculptées, des coffrets, des objets égyptiens en cristal de roche, des tapis d’Iran conservés au Louvre, des miniatures montrant des scènes de la vie princière, des scènes d’amour, de chasse, des jardins paradisiaques… Les histoires de ces objets voyageurs qui sont des témoins, des ambassadeurs culturels, sont «racontées», par de courtes vidéos et des webinaires pédagogiques.
Tout ceci nous aide à comprendre que lorsque l’on parle d ‘Art de l’Islam, on ne parle pas seulement d’art religieux, mais aussi d’art profane, destiné à des décors de monuments, de palais (Topkapi à Istanbul, les palais d’Ispahan en Iran…). Les œuvres ont été commandées par des sultans, des califes, des chefs politiques, ou religieux…
L’art qui sollicite la beauté, l’émotion, polit les âmes. Quand bien même les problèmes idéologiques et sociaux ne seront pas résolus en montrant des œuvres d’art, celles-ci apportent une contribution essentielle, qui permet de prendre conscience que la Civilisation islamique ne se réduit pas au monde arabe, mais qu’elle se répand sur 3 continents et comporte des communautés orientales, juives, chrétiennes et qu’elle rencontre l’hindouisme et le boudhisme…
Alors comment cet Art islamique peut-il nous parler aujourd’hui ? Et nous sortir de l’instrumentalisation des discours ?
Ces 18 expositions sur le territoire national pendant 4 mois, dans des villes telles que Figeac, Angoulême, Marseille ou Mantes-la-Jolie constituent un début significatif de réponse. Les jeunes en particulier découvriront que les trésors présentés montrent quantité d’images y compris la figure de Mahomet réputée blasphématoire dans une certaine vision contemporaine de l’Islam.
Elles nous invitent à croire en la promesse qu’engendrent simultanément l’émotion et la connaissance, et permettent d’oublier les haines et les préjugés, en se laissant porter par les œuvres « assis » en face à face pour être en communion avec elles et non circuler ou passer à côté.
Naïveté ou audace ? cette opération n’est pas une fin en soi mais un début original et novateur.
Les 18 villes concernées forment entre elles un réseau d’échange qui nous éclaireront sur le ressenti des publics et en même temps témoigneront de la forte dynamique de nos territoires.
Marie-Noële Sicard, administratrice des SSF
(c) photo : Anonyme, Sultan et vizirs, Abul Hassan Quth Shah, Musée des Beaux-Arts, Rennes, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Manuel Salingue