La commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (CIASE) a rendu le 5 octobre son rapport au président de la Conférence des évêques de France et à la présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France qui avaient commandité ce travail. Trois ans d’une enquête minutieuse et douloureuse qui a permis de mesurer l’ampleur et la gravité de ces abus, sur des mineurs ou des personnes vulnérables : on recense 330 000 victimes, depuis 1950, de prêtres ou de laïcs en mission ecclésiale. Des témoignages, des auditions, des enquêtes en population générale ont permis d’établir un état des lieux dramatique mais aussi de révéler la gestion calamiteuse de ces affaires par l’Eglise catholique : méconnaissance de la gravité des faits, difficulté à écouter et à croire les enfants, souci de protéger les clercs et l’institution, mais aussi silence, parfois, des entourages familiaux ou scolaires etc…
Cette racine du mal, le pape l’avait désignée, en août 2018 dans une Lettre au peuple de Dieu, sous le nom de « cléricalisme », une pratique déviante de l’autorité, trop concentrée, par exemple, sur la personne de l’évêque. François invitait tous les baptisés à s’engager pour combattre ce fléau qui peut toucher aussi les laïcs dans l’exercice d’un pouvoir. La mise sur un piédestal du prêtre doit également être interrogée, comme les lacunes de la formation au sacerdoce et le manque de coordination entre diocèses pour éviter des errances de séminaristes « suspects », l’absence de femmes dans les lieux de décision, ou les insuffisances de la justice ecclésiale etc.
Le Président de la CIASE en conclut donc qu’il ne s’agit pas seulement de l’addition de fautes ou de crimes individuels mais de la responsabilité de l’Eglise institutionnelle. Une responsabilité qui doit se traduire par des réformes et des réparations. Jugeant le travail de la Ciase accompli, il « passe le témoin » à l’Eglise. « Aux victimes j’exprime ma honte, mon effroi, ainsi que ma détermination à agir avec elles (…) », a promis Mgr de Moulins-Beaufort, président de la CEF.
Agir, c’est ce que l’on attend aujourd’hui des responsables de l’Eglise et de nous tous. Le rapport évoque un certain nombre de pistes que l’ensemble des catholiques doit étudier. C’est précisément le sens du synode sur la synodalité qui s’ouvrira dimanche pour une première étape diocésaine et nationale. Il faut que s’organisent la réflexion, le débat, entre femmes et hommes, clercs et laïcs, catholiques pratiquants et catholiques plus éloignés du chœur. Marcher ensemble, avancer ensemble, progresser ensemble : tel est le sens du mouvement engagé.
Les Semaines sociales de France veulent participer à ce travail collectif. Sur notre site, dans un espace forum, nous vous inviterons à réagir et à avancer des propositions pour une nécessaire transformation ecclésiale, en imaginant ce qui peut être réalisé rapidement, ici en France, et ce qui demande une réflexion théologique à visée universelle. En croisant les pistes ouvertes dans le document de travail du synode et les recommandations de la Ciase, nous organiserons ce débat autour de thématiques en rapport avec la mission de notre association, telles que l’exercice du pouvoir, l’égale dignité de tous les baptisés, l’attention aux périphéries…
Cela ne suffit pas. Il importe que tous ceux qui se sentent proches des Semaines sociales participent également aux instances de réflexion diocésaines ou organisent, avec d’autres, des lieux de délibération. Il serait indigne que la longue souffrance des victimes ne nous mobilise pas.
Dominique Quinio, Présidente des Semaines sociales de France