Chers amis,
Il y a urgence. Les élections législatives qui s’annoncent, décidées de manière précipitée, seront déterminantes pour l’avenir de notre société. Voilà que, depuis 2002, un parti d’extrême droite occupe une place de tout premier plan dans notre champ politique. Son programme est en grande partie fondé sur le rejet de l’étranger présenté comme la source de tous les maux. L’idée qu’il pourrait y avoir de « vrais » français et des citoyens de seconde zone est à la base de la philosophie politique qui l’habite. Aujourd’hui, ce parti est aux portes du pouvoir.Face à cette situation, nous avons décidé de joindre notre voix à celle de toutes les grandes associations, du Secours catholiques aux apprentis d’Auteuil, en passant par les scouts et guides de France et le CCFD, pour appeler à ne pas se résigner à ces modèles de sociétés que, comme chrétiens, nous ne pouvons tolérer.
Engagés sur le terrain, nous ne cherchons pas à stigmatiser ceux de nos concitoyens qui confient leurs suffrages aux extrêmes. Dans beaucoup de territoires, les services publics sont loin ou insuffisants, les hôpitaux y fonctionnent en sous-effectif, l’éducation nationale y est malmenée, l’incivilité et l’insécurité se développent. De tous ces maux, les populations les plus démunies sont les premières victimes.
Nous ne cherchons pas à dénoncer mais à proposer. Deux principes, inspirés de la doctrine sociale de l’Église, peuvent guider notre choix en cette heure cruciale pour notre pays : le principe de dignité de toute personne et la solidarité qui en découle ; le principe d’une recherche collective du bien commun.
L’enseignement social de l’Église nous appelle à rappeler la dignité de toute personne et la solidarité qui en découle entre tous les membres de la famille humaine. Jamais l’autre, et notamment l’étranger, ne peut être regardé comme la cause de tous nos maux. En 1995, le pape Jean-Paul II écrivait ainsi : « Le problème des migrations en général, et des migrants en situation irrégulière en particulier, est un problème dont la solution dépend dans une grande mesure de l’attitude de la société où ils arrivent (…) « Qu’as-tu fait de ton frère ? » (cf. Gn 4, 9). La réponse ne doit pas être donnée dans les limites imposées par la loi, mais dans l’optique de la solidarité », une solidarité entre tous les membres de la famille humaine.
Nous ne pouvons ainsi accepter que, au nom d’une « préférence nationale », on laisse au bord du chemin une partie des personnes qui résident, vivent et souvent travaillent sur notre territoire. Des solutions politiques existent, susceptibles de mieux réguler les migrations, et aussi mieux intégrer ceux qui arrivent, elles passent notamment par une solidarité à l’échelle européenne, un traitement digne de tous les demandeurs, et un meilleur accueil pour former les personnes qui obtiennent un droit de séjour.
L’enseignement social de l’Église nous enjoint aussi à cheminer ensemble vers le bien commun. Cela implique de défendre un niveau de débat public à hauteur de notre démocratie. Nous sommes, à ce titre, inquiets de l’émergence d’un populisme dans une partie de l’extrême gauche, qui nie le débat, le compromis nécessaire, et dont le programme aboutirait à couper la France du reste de l’Europe, et ne plus soutenir les ukrainiens victimes de l’agression russe. Nous savons au contraire combien la préservation d’un État de droit pour tous, la liberté d’association, le respect des institutions, des corps intermédiaires et des conventions internationales, de la nécessaire transition écologique, sont importants pour fédérer le pays, au-delà de toutes ses fractures, autour d’un projet commun.
Nous l’affirmons en chrétiens : la liberté, l’égalité et la fraternité sont les seuls chemins à emprunter ensemble pour une société juste. Ce chemin est possible. Nous formulons l’espoir qu’émerge une vision de long terme dans notre pays pour inciter tous nos concitoyens à œuvrer en vue de rechercher le bien commun. C’est seulement par une nouvelle vision partagée et crédible que nous pourrons consentir aux adaptations indispensables, aux ajustements de nos modes de vie en tenant compte des limites de notre planète, aux efforts nouveaux de solidarité et de coopération internationale.
Quel que soit le résultat de ces élections législatives, les Semaines sociales continueront l’œuvre de vigilance et d’animation du débat démocratique qui, depuis plus de cent ans, les caractérisent. Quelles que soient les évolutions que notre pays pourra connaître dans les prochains mois, elles proclameront inlassablement la possibilité d’une espérance pour nos sociétés.