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Dossier La Tribune du Christianisme social
Nous sommes actifs, occupés, nous avons pu contribuer à créer des espaces et des temps de mobilisation solidaire ; et des associations efficaces se voient confier d’importantes délégation du service public de la solidarité. Et puis nous réfléchissons : réservoirs de pensée, espaces de rencontre et de formation, clubs, nous mobilisent pour entendre experts et témoins, tenter des analyses et oser prendre la plume ou la parole pour expliquer, dénoncer, proposer…Très bien chers militants, complices de tous nos échanges, mais à l’abstention qui détruit la légitimité démocratique s’ajoute la violence, mutation grave de la confrontation. Agressivité, menaces, attaques personnelles ont conduit Mr. le Maire de Saint Brévin Les Pins, lui qui portait un projet d’accueil de réfugiés, à démissionner. Ni nos engagements associatifs, ni nos efforts pour comprendre le monde ne suffisent à restaurer le débat démocratique.
Dans « L’humiliation, le nouveau poison de notre société » (Les liens qui libèrent, 2022) Olivier Abel décrit la fracture entre une classe active, innovante, très connectée, et ceux qui disent subir les mutations. Cette humiliation se fait souvent sentir avec retard, elle nourrit le ressentiment qui polarise la relation sociale. Cynthia Fleury nous en rappelle le danger pour la démocratie. Il faut du temps pour recréer un dialogue, temps d’écoute, de compréhension, loin de toute attitude simplement empathique. Une longue attente active avant que le dialogue devienne possible. Le respect de règles simples, comme l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme : « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » peut y aider.
Mais dans la revue « Les Etudes » de ce mois de mai le politiste Bertrand Badie nous rappelle que « Le social court plus vite que le politique ». Quand chez nous, comme ailleurs, la revendication cède la place à une dialectique de la résignation et de la colère comment créer et faire vivre le débat politique ? Pour Bertrand Badie le Pape François, dans ses positions sur le phénomène migratoire, témoigne du caractère profondément humain de la source religieuse qui nourrit une posture politique. Encore faut-il être capable d’humilité pour partager l’humiliation, nous avait dit François en janvier 2018. « Quand les certitudes idéologiques qui ont pu alimenter nos combats se sont effondrées, cette attitude exigeante peut amener à l’engagement citoyen. »
L’action locale reste un des outils pour rebâtir la démocratie : une communauté lieu d’intégration, occasion de passer d’une vision à une analyse, un dialogue, où le surplomb de celui qui croit savoir n’est pas possible. Encore faut-il assumer le passage de l’engagement social au choix politique. L’action des ONG dans les pays du sud, parfois héroïque, est une autre belle école pour le nécessaire retour à l’engagement politique. Car la géopolitique impose un autre mode d’action.
Le militantisme écologique ne peut se réduire ni à l’ancrage dans une Zone A Défendre, ni au discours vert : la gravité des choix individuels et collectifs imposés refonde la problématique politique.
Frustrante est souvent notre nécessaire action auprès des plus démunis. Insuffisante est souvent notre capacité à mieux utiliser les réseaux pour partager nos analyses et propositions hors de nos communautés. Plus grave, négative est souvent l’image des acteurs du politique. Ce terme même a perdu sa noblesse que sait défendre le militantisme associatif, solidaire ou écologique. Ces constats réalistes nous obligent : la gravité des défis contemporains rend indispensable que nous portions nos expériences, nos analyses, notre vision du bien commun dans un engagement politique.
Philippe Segretain
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