Migrations et bon sens

Deux textes abordent la question des migrations dans une perspective de coopération internationale à long terme : des pistes de bon sens pour dépasser des politiques défensives de court terme dictées par les échéances électorales.

Le premier de ces deux textes, Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières [1] , validé à Marrakech le 10 décembre dernier et adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 19 décembre par 152 pays sur 193. Le second, Pour une politique européenne de l’asile, des migrations et de la mobilité [2] , est un rapport de l’Institut Jacques DELORS, signé de Jérôme VIGNON, qui propose « entre adversaires déterminés et partisans résolus de l’immigration … un chemin praticable, porteur d’avenir [3]» .

Le Pacte mondial est « un cadre de coopération juridiquement non contraignant [4]» et ne traite que des migrants[5] . Le rapport VIGNON traite des demandeurs d’asile [6] et des migrants, il s’adresse aux candidats aux élections européennes et à leurs électeurs et propose aux pays d’Europe des éléments pour des politiques de migration solidaires et cohérentes. L’autorité de ces textes ne tient pas à des obligations juridiques qu’ils ne contiennent pas, mais au passage d’une approche défensive dans la manière d’envisager les migrations à une approche réaliste, positive et humaine.

« Le réalisme est d’abord de constater que les migrations sont un phénomène mondial qui remonte aux débuts de l’humanité. »

C’est ensuite d’admettre que les facteurs qui poussent à migrer – survivre à la faim, à la guerre, à l’absence d’avenir – non seulement demeurent mais encore se diversifient avec la désertification, la montée des océans et, plus inattendu, avec l’augmentation des revenus qui entraîne un besoin de mobilité, de migration temporaire, pour accroître ses connaissances, pour stimuler sa carrière, pour gagner de quoi investir ; c’est ainsi que le nombre de personnes en situation de mobilité ne cesse d’augmenter. Le réalisme, enfin, est de constater que les migrations peuvent être, et le sont souvent, bénéfiques aux pays d’accueil qui peuvent ainsi combler les déficits démographiques dus au vieillissement de la population et au déclin de la natalité, ce qui est le cas de la majorité des pays de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique, OCDE, et aussi aux pays d’émigration par les transferts que font les migrants au bénéfice de leur famille ou d’entreprise et par les savoir-faire qu’ils acquièrent.

« Il n’y a de solution que dans la confiance et la solidarité entre les pays frontaliers de l’espace Schengen et les autres. »

La dimension positive est – face à un phénomène qui concerne tous les pays du monde, qui va durer et sans doute s’intensifier et qui peut créer aussi bien des tensions que des bénéfices – d’avoir su tirer la conclusion qu’il faut coopérer sur la base de principes, de règles et de pratiques communément acceptées et appliquées. Seule l’Organisation des Nations Unies, ONU. pouvait rassembler l’ensemble des pays concernés, ceux de départ, de transit et d’arrivée, et aboutir à un accord qui se soucie aussi bien des préoccupations des pays concernés que des migrants eux-mêmes. Le rapport Vignon est parfaitement cohérent avec le Pacte de Marrakech et traite, en outre, d’une difficile question : préserver la libre circulation dans l’espace Schengen, à laquelle les citoyens sont très attachés, lutter contre l’immigration illégale et prendre en charge les demandeurs d’asile . Il n’y a de solution que dans la confiance et la solidarité entre les pays frontaliers de l’espace Schengen et les autres.

La dimension humaine de ces deux textes réside dans le rappel que les migrants qu’ils soient légaux ou illégaux sont des hommes, des femmes et des enfants et, donc, qu’ils doivent être respectés en tant que tels et bénéficier, comme tout un chacun, des Droits humains. Ce principe de respect de la dignité humaine en toutes circonstances fonde notre humanité commune. À ce titre, il relève tout autant de la responsabilité des autorités publiques que de chacun d’entre nous.

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Yves Berthelot, rédacteur des SSF

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  1. Texte du Pacte sur Internet : undocs.org/A/CONF.231/3.
  2. Jérôme VIGNON, Pour une politique européenne de l’asile, des migrations et de la mobilité, Rapport No116 de l’Institut Jacques DELORS, accessible sur le site de l’Institut Jacques Delors.
  3. Enrico LETTA, Président de Institut Jacques DELORS, dans la préface du Rapport.
  4. Paragraphe 7 du Pacte.
  5. Un Pacte sur les réfugiés est en préparation. Mais il existe déjà des textes contraignants relatifs aux réfugiés comme la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés : https://www.unhcr.org/fr/convention-1951-relative-statut-refugies.html.
  6. Demandeurs d’asile : personnes étrangères demandant à voir reconnu par un pays (de destination, d’arrivée) leur droit à une protection au titre de la Convention de Genève de 1951. S’il obtient cette reconnaissance, il acquiert le statut de réfugié.

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