Il y a tant à faire !

Dans notre époque d’immédiateté, il peut être bon de se tourner vers le passé, non par nostalgie, mais pour y puiser de nouvelles forces. Ainsi peut-on relire, à la lumière de l’actualité, ces phrases du P. Joseph Folliet, écrites à l’occasion des 60 ans de la Chronique sociale fondée à Lyon en 1892 par Marius Gonin (également fondateur des Semaines sociales) pour diffuser la pensée sociale de l’encyclique rerum novarum.

« Elle (la Chronique) n’a rien d’une vieille dame respectable et redoutable qui regrette son printemps et déplore les mœurs d’aujourd’hui. (…) Si elle prend aujourd’hui quelques heures pour se retourner vers son passé, c’est comme une halte et une récréation. C’est aussi comme le témoignage d’une fidélité et un ressourcement. Mais elle vit dans le présent ; elle regarde l’avenir. Elle sait qu’il reste tant de choses à faire et que nous avons si peu de temps pour les faire !… Cette jeunesse permanente, cette amitié, ces idées et ce tempérament sur qui tout se fonde, c’est encore l’héritage de Marius Gonin. Dans son Testament Spirituel, il écrivait : « Nous avons passé notre vie des choses difficiles ». Il avait raison. Soixante ans de vie pour la Chronique, c’est soixante ans de difficultés vaincues au jour le jour. Les circonstances actuelles ne se montrent pas moins difficiles qu’au temps de Gonin, Nous aussi nous devons passer notre vie à faire des choses difficiles. Tant mieux !… Dieu aidant, notre amitié nous portant, nous continuerons. »

Les Semaines sociales, dans l’élan de leur évolution actuelle, veulent reprendre à leur compte ces paroles des anciens. Les circonstances ne sont pas moins difficiles que celles que connurent les fondateurs de l’association, dans la foulée des premières encycliques sociales.

La « question sociale » est toujours une question. Elle doit prendre en compte aujourd’hui d’autres formes de pauvreté que celle des ouvriers des débuts de l’industrialisation massive, inscrire la réflexion dans un contexte mondial de plus en plus présent, et mettre au cœur de ses travaux l’écologie et l’avenir de la planète, comme le rappelle l’encyclique Laudato Si du Pape François. Cette complexité implique que les chrétiens, forts de l’enseignement social de l’Eglise, observent et analysent les situations de précarité, d’inégalités, d’injustice pour les combattre et apporter des pistes de solution. Dans une société plurielle et multiculturelle qui voit ses réseaux traditionnels perdre de leur force – familles, syndicats, partis politiques, institutions, religions -, les réponses ne vont pas de soi. Plus que jamais, l’imagination et la créativité doivent être sollicitées.

L’Eglise catholique elle-même n’est plus celle que connurent les fondateurs, celle que connut le P. Joseph Folliet ; dans notre pays, elle est fragile, minoritaire ; traversée d’épreuves que lui infligent certains de ses membres, blessée par les siens, elle peut être tentée par le repli sur soi et cantonnée au cercle de l’intime.

« une vie digne pour tous nos contemporains et l’avenir de l’Eglise »

Mais, comme nos prédécesseurs, « nous continuerons ». Engagés sur deux fronts – une vie digne pour tous nos contemporains et l’avenir de l’Eglise – nous ne nous figerons pas dans le passé, nous regardons vers l’avenir. « Il y a tant de choses à faire et si peu de temps pour le faire… ».

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Dominique Quinio, présidente des SSF

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