Dossier La Tribune du Christianisme social

La tribune : Petite méditation, pour un futur autre

Comment rompre avec cette sorte d’engourdissement pandémique, ce temps dilaté, arrêté, qui nous obsède, pour nous préparer à réagir, à trouver de l’énergie ? Comment nous mettre « en situation » d’affronter le monde d’après, nous transformer pour essayer de répondre aux nouveaux enjeux contemporains : déclin de la biodiversité, réchauffement climatique, accroissement des inégalités, individualisme mortifère….

Tout d’abord, évitons de nous laisser embourber dans la bulle langagière de notre société bavarde, où la polémique est reine, où l’effet de loupe médiatique pollue notre environnement. Il faudrait pouvoir cesser ces dénonciations victimaires permanentes, se détacher de l’urgence, du réflexe de réactivité immédiate qui désoriente tout débat raisonnable ! Et, pour avancer, faire la différence entre une interrogation critique et une contestation systématique, qui traduit surtout une recherche de visibilité plus que celle du bien commun.

« Tenter de dessiner l’avenir, c’est d’abord respecter ceux qui sont en situation d’agir, et aussi examiner nos propres pratiques, pour vérifier si ce que nous faisons a du sens ou pas, s’il y a d’autres perspectives possibles ou à inventer. »

Dans les moments difficiles que nous vivons, nous tous, la société, devons puiser dans nos ressources vives pour nous retrouver et nous appuyer sur des raisons valables d’être optimistes. Tenter de dessiner l’avenir, c’est d’abord respecter ceux qui sont en situation d’agir, et aussi examiner nos propres pratiques, pour vérifier si ce que nous faisons a du sens ou pas, s’il y a d’autres perspectives possibles ou à inventer. Mais il ne faut pas se cacher que changer de comportement a un coût psychologique, organisationnel, économique ; a fortiori quand il s’agit de s’imposer des contraintes supplémentaires, là où le confort et la facilité prévalaient jusqu’alors. Par exemple, le premier obstacle à la réorientation massive des comportements en faveur de l’environnement n’est-il pas la tension entre l’individu et le collectif, le consommateur et le citoyen ? « Le chemin de la connaissance est long à parcourir et peut conduire à une forme de relativisation de la menace, voire à une contestation de sa réalité, nuisant au basculement des comportements. On peut savoir, on peut vouloir, on peut ne pas pouvoir! Pour changer les habitudes, il faut être animé d’une conscience morale, celle d’une responsabilité vis-à-vis de la planète, du genre humain, des générations à venir » (1)

Il nous faut donc savoir comment mesurer l’acceptabilité du changement par nous tous, sans céder au découragement ; lutter contre l‘influence des intérêts privés, ou des lobbies (automobile, aérien, publicitaire, l’agrochimie, l’élevage concentrationnaire…). En fin de compte, il faudra se défaire des idées toutes prêtes, ne jamais renoncer à penser individuellement et collectivement, pour les autres. Et par-delà les lanceurs d’alertes, suivre les lanceurs de pistes. La Convention citoyenne pour le climat est un bon exemple qui montre, malgré toutes les difficultés à venir, que des citoyens sont capables de rédiger des quasi projets de lois, impactant des pans entiers de l’économie et nécessitant des arbitrages complexes, malgré les éternels comportements individualistes, élitistes et partisans…, pour faire face aux enjeux environnementaux, économiques, et aux évolutions sociales et technologiques qui changent en profondeur notre monde.

Soyons conscients de la communauté de destin qui nous unit aux humains et aux non humains, et tentons de nous « reconnecter » à tous les vivants. Essayons d’éprouver ce sentiment océanique décrit par Jean Jacques Rousseau : « je sens des extases, des ravissements inexprimables à me fondre pour ainsi dire dans le système des êtres, à m’identifier à la nature entière» (2). Traçons un horizon d’espérance qui dessine « l’avenir dont nous rêvons », en étant capables de faire évoluer nos représentations et nos modes de vie pour transmettre à nos descendants un monde habitable.

Marie-Noële Sicard, administratrice des SSF

1. Thomas Piketty, journal Le Monde, 7 mars 2021

2. Les Rêveries du Promeneur Solitaire, 7ème Promenade, la Pléiade p. 1065

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