L’épidémie du Covid 19 et le lot d’incertitudes qu’elle entraîne dans son sillage touchent tous les secteurs de nos vies. L’action politique – qu’elle soit gouvernementale ou d’opposition -, la parole des scientifiques, les analyses sociales et économiques : rien n’échappe à l’imprévu, à l’imprévisible. Pas même nos vies familiales : les défunts que l’on ne peut accompagner, les mariages du printemps ou de l’été qu’il faut reporter, les fêtes amicales ou familiales déprogrammées, et même les sacro-saintes vacances difficiles à préparer. L’impatience nous gagne : nous voudrions des certitudes. En premier lieu, et c’est compréhensible, tous ceux que la crise économique met en danger. On voudrait une date, un repère à partir duquel la vie redeviendrait « normale », avec ses soucis quotidiens, ses plaisirs et ses difficultés habituels.
Mais la somme de ce que l’on ne sait pas (l’évolution possible de la maladie, les effets du déconfinement, la capacité à réorganiser les transports, les entreprises, les activités culturelles …) l’emporte sur ce que l’on sait. Voilà de quoi déstabiliser l’homme contemporain, persuadé de pouvoir tout maîtriser de sa vie. Saine prise de conscience, au fond.
S’il est un domaine que déstabilise ce climat incertain, c’est celui de l’information.
Au-delà de la complexité d’exercer le métier de journaliste sans pouvoir aller sur le terrain, au contact des personnes, d’être amené à ne traiter du soir au matin qu’un seul sujet, il est déstabilisant de devoir, comme les autres, admettre la part d’inconnu, rester dans la prudence, expliquer que ce que l’on croyait avéré la veille ne l’est plus le lendemain. Les petits jeux de la polémique et de la dérision paraissent trop risqués. La prise de position radicale, l’éditorial tranchant, du coup, s’en trouvent compliqués.
Certains médias, de ce fait, accentuent leur effort de pédagogie et s’emploient à démonter les rumeurs et les fausses informations, sans être sûrs que ceux qui s’en régalent s’abreuveront à des sources plus fiables; d’autres prennent l’option, notamment la presse régionale, de se mettre au service concret de leurs lecteurs, en relayant des informations de proximité qui permettent de créer du lien, de la solidarité. D’autres enfin veulent combattre le climat d’angoisse entretenu par l’information en continu en mettant en lumière toutes les manifestations de solidarité et la créativité déployée pour relier ceux que la distanciation sociale éloigne.
De cette période, chacun se demande ce qui restera. Ce qui enrichira le « jour d’après ». Peut être, désormais, conscients de nos limites, nous garderons-nous (et nos médias avec nous) de propos péremptoires, des fanfaronnades de ceux qui savent à coup sûr ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Peut-être déciderons-nous de mieux choisir nos sources d’information, celles qui aident à comprendre la complexité mais ne choisissent pas de penser à notre place. Peut-être retiendrons-nous l’appel à la responsabilité personnelle et collective, au discernement, à laquelle ce temps nous invite.
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Dominique Quinio, présidente des SSF